À son premier passage à l'automne 2012, Concha Buika avait fait parler d'elle. La rumeur de son autorité sur scène était fondée. Au sortir de son spectacle dominical au Théâtre Maisonneuve, il apparaissait limpide que l'Espagnole avait les attributs des plus grandes divas: esprit sauvage, caractère imprévisible, folie assumée, pensée libre et conquérante, talent exceptionnel.

Métissée par différents patrimoines et ses propres origines équato-guinéennes, cette voix de tradition gitane flamenca peut séparer les eaux, fendre le roc. Les vibrations de Buika font trembler les charpentes, résonnent dans tous les corps. Puissant! Qui plus est, ces ondes portent un corpus musical d'un haut raffinement mais aussi d'une grande accessibilité vu les ancrages populaires et le caractère viscéral. S'en dégage un langage unique, diversifié, superbement intégré. 

Autodidacte issue des quartiers pauvres de Majorque, cette femme doit être très douée pour avoir construit seule un tel personnage, un tel discours, un tel répertoire. Arriver ainsi à redéfinir l'idée qu'on se fait du chant flamenco en lui adjoignant Piaf (La Foule en version hispanophone), le jazz latin, certains folklores antillais ou ouest-africains, une attitude rock, cela exige un instinct des plus aiguisés doublé d'une vivacité d'esprit hors du commun.

Qui plus est, il faut avoir un très fort ascendant et une crédibilité béton pour recruter les superbes musiciens que le guitariste espagnol Vahagni, le bassiste cubain Yadam Gonzales et le maître du cajon, l'Ibère Porrina. En symbiose avec la chanteuse, ils épousent gracieusement ses consignes et changements de direction. 

Car il faut savoir très rapidement changer de cap avec Buika. Missile non guidé, à très longue portée, qui fait exploser les amphithéâtres et fait se multiplier les ovations.