Aretha Franklin n'aime pas parler de son état de santé. Elle regrette d'avoir dû annuler son concert au Festival de jazz l'an dernier, mais affirme qu'elle n'était pas en mesure de chanter.

La chanteuse a subi en 2011 une intervention chirurgicale dont elle ne dira rien non plus. Par contre, il y a deux semaines, elle a confié à son public new-yorkais que le sombre diagnostic qu'elle avait encaissé quelques années auparavant ne tenait plus, la mystérieuse maladie ayant disparu.

«Oui, oui, c'était mon témoignage en spectacle. Quand nous avons jeté un coup d'oeil aux radiographies et aux résultats de mes examens de tomodensitométrie [CAT scan], ils n'étaient plus pareils», dit simplement la dame de 72 ans. Puis elle ajoute: «Mais présentement, ça va très bien. J'ai recommencé à donner des concerts et je fonce droit devant!»

Toute reine du soul qu'elle soit, Aretha Franklin ne fait pas de manières au téléphone. Elle glisse dans la conversation quelques mots de français qu'elle a appris parce qu'elle aime la sonorité de notre langue et pour ne pas être prise au dépourvu lors de ses séjours en Europe. Elle rappelle qu'elle a même chanté une ou deux choses en français il y a très longtemps.

Aretha Franklin ne nous a pas souvent rendu visite. On se souvient d'un concert pendant l'Expo 67, d'un autre au Forum en 1993 et de ses deux spectacles à Wilfrid-Pelletier lors du Festival de jazz de 2008 où on lui avait décerné le prix Ella-Fitzgerald. «Un prix merveilleux qui porte le nom d'une personne que je respectais énormément pour son talent de chanteuse et pour la façon dont elle se comportait.»

L'école du gospel

Le premier de ces deux soirs de 2008, le concert avait vraiment levé quand elle s'était assise au piano pour chanter Bridge Over Troubled Water de Simon and Garfunkel à la manière d'un hymne religieux.

«C'est naturel, répond-elle. Quand j'étais enfant, j'étais la soliste de la chorale junior de l'église. Et, de l'âge de 15 à 18 ans, j'ai participé pendant les week-ends avec mon père [NDLR: ministre baptiste] à des cérémonies religieuses dans les grandes villes des États-Unis. Ce fut une excellente école pour moi.»

Tellement bonne, cette école, qu'Aretha Franklin n'a eu aucune difficulté à s'approprier la chanson Respect d'Otis Redding, que son public ne lui pardonnerait pas d'omettre 47 ans plus tard. Dans sa bouche, Respect est devenue une chanson emblématique de plusieurs causes dans les années 60.

«La grande chanson, dit-elle, en français, dans un soupir. Pour moi, c'était une chanson d'amour, mais elle est devenue un mantra pour le mouvement des droits civiques et, bien sûr, des féministes l'ont également récupérée. J'ai trouvé ça très approprié.»

De Babyface à l'opéra

Pour son prochain album, qui sortira sur le label Arista de son vieux complice Clive Davis, elle a recruté deux réalisateurs pas piqués des vers: Babyface (Kenny Edmonds) et André 3000. «On a enregistré six chansons et on va en faire trois autres le 7 juillet en espérant terminer le travail peu après pour être admissible aux prochains Grammy. J'y reprends des classiques soul et pop comme Midnight Train To Georgia (Gladys Knight&the Pips), Last Dance de Donna Summer, What's Love Got To Do With It de Tina Turner, At Last d'Etta James et People de Barbra Streisand. Toutes des chansons que j'ai appréciées la première fois que je les ai entendues, mais c'est M. Davis qui a décidé du concept.»

Elle aimerait bien également que Pharrell Williams, dont l'orchestre de Mme Franklin reprend Happy en concert, lui écrive des chansons.

«Happy, c'est une très bonne chanson, exactement ce dont les gens avaient besoin quand c'est sorti et c'est probablement pour ça que c'est un si grand succès. J'adorerais que Pharrell écrive pour moi et je le lui ai fait savoir par ma relationniste», souligne Aretha Franklin.

Quand je lui rappelle qu'elle a déjà chanté aux Grammy Nessun Dorma de Puccini en remplacement de Pavarotti, elle m'apprend qu'elle prépare un récital classique pour la fin de l'année: «Je viens tout juste de recevoir un message de mon professeur de chant classique qui me dit qu'on devrait s'y mettre bientôt. Ça va se passer au Michigan Opera de Detroit puis, peut-être, à New York et à Washington. J'y chanterai notamment Nessun Dorma et l'aria de Doretta (Chi bel sogno di Doretta) de Puccini ainsi que la Romance à la lune (Dvorak).»

Aretha Franklin est également associée à un film qui va raconter sa vie. «On est tout près d'une entente, dit-elle. Le rôle principal devrait être confié à Jennifer Hudson ou Audra McDonald, à moins que le réalisateur ait une autre actrice en tête. Nous n'avons pas encore choisi le réalisateur, mais nous avons discuté avec Taylor Hackford qui a fait le film Ray. J'ai eu une rencontre la semaine dernière avec la chaîne Lifetime qui est très intéressée à ce projet. Mais ce film sera fait pour le grand écran de préférence.»

> À Wilfrid-Pelletier, le 2 juillet 19h30.

Aretha Franklin en cinq dates

1960

À 18 ans, Aretha Louise Franklin, fille d'un ministre baptiste et chanteuse formée au gospel, entre à la maison de disques Columbia grâce à John Hammond qui a également recruté les Billie Holiday, Count Basie, Bob Dylan et Bruce Springsteen.

1967

Aretha enregistre son premier album pour Atlantic. Le succès est instantané: sa version énergique de Respect, d'Otis Redding, atteint le sommet des palmarès et devient la chanson phare de la Queen of Soul. L'année suivante, elle remportera les 2 premiers de ses 18 trophées Grammy et fera la une du magazine Time.

1972

Parution de son album gospel Amazing Grace qui s'écoulera à plus de 2 millions d'exemplaires. Le documentaire sur le making of de ce classique, réalisé par Sydney Pollack, est encore inédit à ce jour.

1985

Retour en force avec l'album Who's Zoomin' Who qui lui vaut son dernier numéro un au palmarès pour la chanson Freeway of Love sur laquelle joue le saxophoniste Clarence Clemons. C'est sur cet album qu'on retrouve son duo avec Annie Lennox, Sisters Are Doin' It For Themselves.

2009

Démocrate convaincue, Aretha Franklin chante le 21 janvier à la prestation de serment du nouveau président américain Barack Obama. Depuis, elle a reçu des diplômes honorifiques des universités Yale et Harvard.