La Maison symphonique était bondée, hier soir, d'un public en tenue estivale venu entendre un pianiste qu'il adore: Alain Lefèvre. Le programme était consacré à la musique de George Gershwin et à ses propres compositions. Bien qu'inégale, la soirée fut satisfaisante et s'est terminée en beauté.

Jean-François Rivest, ami d'enfance du pianiste, dirigeait l'OSM. Dans l'orchestre, on pouvait remarquer que plusieurs musiciens étaient des remplaçants. À l'extrême droite de la scène trônait une batterie rutilante posée sur un tapis oriental.

Le chef s'est avancé pour diriger Cuban Overture, de Gershwin, où les sept percussionnistes s'en sont donnés à coeur joie pour faire ressortir les couleurs et les rythmes du Sud de l'oeuvre. Le tempo était toutefois un tantinet trop lent.

Alain Lefèvre est ensuite apparu pour jouer ses quatre compositions jazz, accompagné de ses amis Michel Donato à la contrebasse et Paul Brochu à la batterie. Les pièces de Lefèvre sont bien écrites. C'est un jazz traditionnel, sage et sans surprises, et il y avait dans ce trio peu de marge de manoeuvre pour la spontanéité. Mais sur un Yamaha, dans un écrin tel que la Maison symphonique, les quatre morceaux sonnaient fort bien et le public les a applaudis à tout rompre pendant que Lefèvre se levait pour serrer ses amis dans ses bras.

Tant de la part de l'orchestre que du pianiste, Rhapsody in blue n'était pas impeccable. Sur le plan orchestral, cette rhapsodie un peu lourde n'a jamais pris complètement son envol. Pour sa part, Alain Lefèvre, a connu de légères difficultés dans les premiers traits ascendants du début, mais il a fait preuve d'imagination dans les parties en solo, avec des variations de tempo assez fantaisistes - et certainement voulues.

Concerto réussi



Il est plutôt rare que l'on entende Rhapsody in blue et le Concerto en fa au cours d'un même concert, mais le pianiste a déjà fait ce double programme, ici même à Montréal. C'est d'ailleurs un répertoire dans lequel il excelle habituellement. Comme pianiste, Lefèvre est à son avantage dans les grands concertos qui demandent vélocité, lyrisme, force et flamboyance. Le Concerto en fa de Gershwin lui va donc comme un gant et il y a donné sa pleine mesure, en faisant la plus belle partie du concert.

Au second mouvement, pianiste et orchestre ont rendu les thèmes d'inspiration blues dans toute leur beauté nocturne. Quant à Jean-François Rivest, c'est un chef dont la personnalité musicale franche et le style de direction plein de vitalité s'accordent bien au caractère de l'oeuvre de Gershwin, que le compositeur lui-même a voulue comme un reflet de «l'esprit jeune enthousiaste de la vie américaine» de son époque. C'est ainsi, du moins, qu'il décrivait le premier mouvement de son concerto, et cet esprit fut respecté.

Même si bien jouées, on aurait peut-être dû laisser tomber les Danses symphoniques de West Side Story, de Bernstein, qui allongeaient indûment un programme déjà très chargé.