Après avoir fait briller les yeux des spectateurs au Métropolis deux fois en moins d'un an, Woodkid remet ça ce soir sous les étoiles pour le grand spectacle d'ouverture gratuit du Festival de jazz. Le musicien, amateur de jeux vidéo et réalisateur de clips - pour Lana Del Rey et Katy Perry - a rencontré les médias hier après-midi.

Une trentaine de musiciens devraient accompagner Yoann «Woodkid» Lemoine ce soir sur la place des Festivals. C'est le spectacle qui posera le défi technique le plus grand aux organisateurs du Festival de jazz, dixit le programmateur Laurent Saulnier.

Le public verra une version orchestrale bonifiée du spectacle hautement visuel que Woodkid a présenté l'été et l'automne derniers au Métropolis. «Nous n'avons pas le même contrôle sur la lumière, donc on mise sur quelque chose de plus scénique et dynamique», explique le chanteur.

Plusieurs grands festivals ont déjà présenté la version extérieure de son spectacle. Woodkid est tout de même «effrayé» quand il pense au défi d'assurer le spectacle d'ouverture du Festival international de jazz de Montréal. «Je passe sur cette scène derrière des monstres de la musique. J'ai toujours l'impression de ne pas être légitime dans ce que je fais, donc c'est intimidant...», dit-il.

Innover grâce à l'image

À un moment précis dans son spectacle, Woodkid semble avancer dans une immense cathédrale grâce à une époustouflante projection. L'imagerie représente un ingrédient essentiel de son spectacle, mais pas de la musique qu'il consomme.

«Dans mon cas, c'est quelque chose qui est très important, car je suis réalisateur à la base, dit-il. J'ai allié le son et l'image sur ce projet-là, mais il y a plein d'artistes que j'admire qui n'en ont rien à faire.»

Le visuel permet néanmoins à Woodkid d'innover. Selon lui, seule la technologie permet d'apporter une vision «nouvelle» et «futuriste» à l'art. Pas une chanson qui finira toujours par en évoquer d'autres. Il cite Rodin qui disait: «Je n'invente rien, je redécouvre.»

Woodkid cherche à explorer l'interactivité entre «le naturel» et «le produit» à travers un fil narratif. C'est pourquoi il chérit le thème de l'enfance sur l'album The Golden Age- «un enfant qui grandit dans le monde adulte numérique», précise-t-il.

Cela explique également l'intérêt de Woodkid pour les applications mobiles et les jeux vidéo. Il a notamment collaboré avec la compagnie Ubisoft, établie à Montréal. «C'est l'une des seules industries artistiques qui n'est pas mature», souligne-t-il.

Dans ses clips et ses projections de The Golden Age, Woodkid a eu recours uniquement au noir et blanc. Il s'est imposé une sorte de «charte» de création. «Finalement, le fait de se limiter à un environnement défini offre plus de liberté.»

Par contre, il ne s'impose aucune barrière pour l'avenir. Un projet à la fois.

Travailler pour les autres

Woodkid vit à New York. Il interprète ses chansons électroniques en anglais, car cette langue lui permet de s'exporter et «d'être entendu».

«Je fais une musique qui n'est pas radiophonique et main-stream, alors j'avais besoin de lui donner la chance de sortir de la France», dit-il.

Après avoir préparé son spectacle pendant six mois et l'avoir tourné pendant trois ans, Yoann a envie de se replonger dans la réalisation. «Je me concentre sur moi depuis longtemps. C'est toxique de parler constamment de son travail. J'ai besoin de m'ouvrir à d'autres choses avant de travailler à un autre album et ce sera différent.»

Woodkid a réalisé des clips pour Yelle, Lana Del Rey, Taylor Swift, Katy Perry et Drake. Pharrell Williams lui a demandé à plusieurs reprises d'apposer sa vision artistique à ses projets, notamment pour le visuel de son tube Happy. «Ça me permet de sortir de mon petit monde. Après, ce sont des occasions de réseau, d'exposition, de portée... Ces artistes-là sont de super vecteurs pour être entendus. Je me dis toujours qu'il y a autant de mérite à émouvoir les gens avec ma musique qu'avec ces artistes-là.»

Humble et intègre, Woodkid ne souhaite pas avoir la popularité d'une Lady Gaga. Pourtant, il se passe quelque chose de très fort en spectacle entre son public et lui.

«Quand on est artiste, j'ai l'impression qu'on n'a pas le droit de dire qu'il est parfois effrayant de monter sur scène ou que l'on n'en a pas envie, dit-il. L'amour que l'on partage avec le public est réel. Par contre, ce n'est pas normal d'avoir 10 000 personnes qui crient votre nom et qui vous aiment. Cela n'arrive pas dans la vraie vie...»

Woodkid ne veut pas «accepter» le statut de chanteur populaire, histoire d'éviter d'en devenir dépendant comme peut l'être un Mick Jagger, par exemple. «Je garde une distance... peut-être par peur que tout cela s'arrête», confie-t-il.

Sur la scène TD jeudi soir, 21h30