Harry Manx a l'habitude de parcourir le monde avec ses guitares et les musiciens qu'il croise en chemin. Grâce au Festival de jazz, c'est lui qui recevra à son tour trois guitaristes virtuoses au Gesù.

Quand son fils avait cinq ans, Harry Manx lui a demandé s'il voulait l'accompagner quelque part. Et le fiston de répondre: «Vas-tu être papa ou bien Harry Manx?»

C'est vrai, Harry Manx ne tient pas en place. Né dans l'île de Man, au large de la côte anglaise, et établi en Colombie-Britannique après avoir parcouru le monde, il a entrepris cette carrière hors normes à la mi-quarantaine. Depuis, il passe beaucoup plus de temps avec sa «deuxième famille», des musiciens qu'il croise au hasard de ses rencontres en Europe, en Australie ou au Canada.

Ce musicien qui a ses habitudes au Québec aura enfin l'occasion de recevoir trois guitaristes qu'il admire en autant de soirs dans son «bazar» du Gesù, à l'invitation du Festival de jazz de Montréal: Charlie Hunter, Kevin Breit et David Lindley.

«J'aime les musiciens virtuoses, c'est pour ça que j'ai invité ces trois gars-là. Ce sont tous de grands solistes», nous disait-il récemment au téléphone depuis sa maison de la Colombie-Britannique, où il était de passage histoire de souffler un peu.

Le bazar des virtuoses

L'idée d'une série Invitation trottait depuis un bon moment dans la tête de son allié québécois, Simon Fauteux. Harry a évidemment choisi son ami et complice canadien de longue date Kevin Breit avec qui il a enregistré quelques albums et il a pensé à l'Américain David Lindley avec qui il s'est découvert quantité d'atomes crochus lors d'une tournée canadienne il y a quelques années.

«Mais pour le troisième, j'étais coincé, avoue Harry. Ceux que je voulais ne pouvaient pas. C'est alors que le Festival de jazz a suggéré [l'Américain] Charlie Hunter. Je suis un grand fan de Charlie depuis longtemps, mais je ne sais pas si j'aurais eu le courage de lui demander de venir jouer avec moi. Ils lui ont demandé et il a dit oui. Nous ne nous sommes jamais rencontrés, mais j'imagine qu'entre guitaristes, on se connaît à distance.»

Des points communs

Outre leur instrument de prédilection, Harry a quelque chose en commun avec chacun de ses trois invités.

«Kevin et moi aimons les arrangements un peu bizarres et les idées différentes. Quant à David, nous jouons tous deux des instruments différents qui proviennent d'un peu partout dans le monde. Et quand nous faisons des jams, nous parlons vraiment le même langage. Il aime ressentir une chanson et on peut travailler sur les accords plus tard. Son jeu est donc très intuitif et c'est ce qui fait de lui un si bon musicien.

«Charlie, lui, est un grand mystère pour moi. Des trois, c'est celui qui possède la meilleure technique de jazz. Kevin comprend et joue le jazz lui aussi, mais Charlie est un homme-orchestre et c'est ce que lui et moi avons en commun. Il joue de la basse et de la guitare en même temps. Moi aussi j'essaie de jouer de la basse avec mon pouce et de la guitare avec mes doigts. Je ne suis pas un gars de jazz, mais j'ai dit à Charlie: «Si je peux le ressentir, je vais le jouer.» »

Harry et ses trois invités ont correspondu par l'internet et ils se verront brièvement à Montréal pour s'assurer qu'ils sont sur la même longueur d'onde. «Mais il y aura dans ces trois concerts beaucoup d'espace pour apprendre et improviser, dit le meneur de jeu. Les gens veulent nous voir prendre des risques et explorer la musique l'un de l'autre. C'est un peu ça, l'esprit du jazz.»

En solo

Après ses trois rendez-vous au Gesù, Harry Manx compte surtout se produire en solo pour un bon moment. «J'y reviens toujours», dit-il sur le ton de l'évidence.

Son album Twenty Strings and the Truth devait paraître plus tôt cette année, mais de nouvelles compositions ont fait surface en cours d'enregistrement et Harry a décidé de le peaufiner davantage. Plutôt que d'y jouer seul avec sa guitare, il a convoqué le claviériste Clayton Dooley et un joueur de tablas.

«Je voulais des sons un peu plus luxuriants. C'est un album pas mal plus instrumental que les autres. En fait, il ne compte qu'une seule chanson. Il devrait paraître vers la fin de l'année.»

Australie

Harry passera une partie de l'automne en Australie, son autre pays d'adoption, et il aura pour compagne de voyage sa Mohan Veena, qu'il s'est fait voler à l'aéroport O'Hare de Chicago en février. Le coupable a été arrêté quelques jours plus tard alors qu'il tentait de refaire le même coup au même endroit.

Harry Manx a donc pu récupérer sa précieuse guitare-sitar qu'il croyait perdue à jamais: «Ce fut peut-être le pire moment de ma vie, mais, finalement, ça m'a permis de faire tellement de nouvelles rencontres.»

Plus de cinq millions de personnes ont vu son message sur sa page Facebook, 80 000 l'ont partagé et il a reçu plus de 5000 courriels d'appui. «Des gens m'ont même offert de me prêter leurs guitares, leurs Veenas, ajoute-t-il. Ce fut une incroyable manifestation de gentillesse et de solidarité dans la grande famille des musiciens.»

Au Gesù, avec Charlie Hunter (jeudi), Kevin Breit (vendredi) et David Lindley (samedi), à 18h.