Les jazzophiles occidentaux ont découvert ce superbe guitariste africain aux côtés de Herbie Hancock. Depuis lors, la musique de Lionel Loueke a fait son chemin, bien au-delà des liens qu'il entretient avec les pointures de la profession.

Venu il y a à peine quelques mois à l'Upstairs avec le batteur Daniel Freedman, le pianiste Jason Lindner et le contrebassiste Omer Avital, le musicien béninois se produit ce vendredi; à L'Astral, il sera sur scène avec le batteur américain Marc Guiliana et le bassiste nigérian Michael Olatuja. La matière principale sera puisée dans son plus récent album, soit le très sensuel Heritage, paru en 2012 chez Blue Note.

Pour en savoir plus long sur Lionel Loueke et sa musique, nous l'avons joint à son appartement de Brooklyn qui jouxte Prospect Park. Il fallait d'abord lui rappeler sa dernière escale avant d'aborder la prochaine: «On vient tout juste d'enregistrer l'album de Daniel Freedman, que j'ai connu au Sénégal et qui doit être africain quelque part! Il accompagne la chanteuse Angélique Kidjo, d'ailleurs. Il a passé beaucoup de temps en Afrique, il a donc fait le contraire de ce que j'ai fait et de ce que font plusieurs musiciens africains: venir étudier et travailler en Occident, y trouver ce qu'on n'a pas chez nous.

«Mais... un jour viendra où les Africains n'auront plus besoin de s'expatrier en Europe ou en Amérique pour y compléter leur formation. À ce titre, ma génération est différente de la précédente, celle qui suit l'est davantage. Avec l'internet et la technologie, l'information musicale passe partout en Afrique. En Afrique du Sud, par exemple, le problème est déjà pas mal réglé; les écoles de musique assurent la formation, car la situation économique y est meilleure que sur le reste du continent. En fait, la musique traditionnelle et les musiques populaires restent fortes partout en Afrique, mais la culture s'internationalise également.»

Une technique particulière

Hybridation inévitable, il va sans dire. Non seulement Lionel fait-il mijoter les patrimoines traditionnels du continent noir et la musique apprise en Amérique, mais encore a-t-il mis au point une technique de guitare très particulière. Il raconte le processus:

«Quand j'étudiais à la Berklee School of Music (Boston), je jouais comme tout le monde avec un pick. J'ai ensuite poursuivi mes études au Monk Institute de USC (University of Southern California), et j'ai décidé alors de suivre des cours de guitare classique. Puisque j'aimais faire de la percussion sur les cordes de guitare, j'utilisais tous mes doigts, ce qui m'a amené à m'inspirer de la technique classique. Par la suite, j'ai changé la manière d'accorder mon instrument. Tout ça a donné une nouvelle direction à ma musique. Même si je joue surtout de la guitare à cordes de nylon, j'ai toujours aimé les effets, c'est-à-dire des sons qui me sont propres au-delà des pédales couramment utilisées pour la guitare électrique. Avec Herbie Hancock, remarquez, je joue aussi de la guitare à cordes de métal, mais je conserve la même technique.»

Technique classique, technique inventée... local, universel... passé, présent... Le Bénin et l'Afrique trouvent leur place dans le jazz de Lionel Loueke, fier Béninois, citoyen du monde, innovateur attaché à son patrimoine.

«Je suis de l'ethnie fon, cette identité ressort surtout lorsque je me mets à chanter. Cela dit, la musique béninoise ne domine pas l'ensemble de mes caractéristiques africaines, bien qu'elle en représente le point de départ. De la manière la plus naturelle possible, je mélange les influences. Vous savez, il n'est jamais évident de fondre des styles différents, il faut rester naturel dans tout ça. Pour moi, c'est une démarche qui va de soi : poursuivre mes recherches sur la musique africaine, bien au-delà du Bénin, en plus d'en apprendre quotidiennement sur le jazz moderne et la musique classique occidentale.

«Ce qui compte, c'est la qualité du mélange.»

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Vendredi, 21h, à L'Astral.