À 23 ans, Dom La Nena vient de lancer un premier album qui lui a valu des papiers élogieux dans le Wall Street Journal et le New York Times. Au tour de Montréal de faire connaissance avec cette violoncelliste et chanteuse brésilienne qui vit à Paris.

Dominique Pinto n'aurait pu choisir un nom de scène qui lui convienne mieux que Dom La Nena, «Dom la petite fille». Elle a beau avoir 23 ans, elle a l'air d'une adolescente quand elle s'installe derrière son violoncelle dans l'intimité du théâtre Jacques-Coeur de Bourges.

Elle ne met que quelques minutes à conquérir ce public venu applaudir Gaspar Claus, la vedette principale de cette soirée. Elle tire de son instrument une rythmique qui jouera en boucle pendant qu'elle chantera l'une ou l'autre des compositions de son premier album, Ela. Sa voix délicate, son humour et sa fantaisie lui permettent aussitôt d'établir un rapport de proximité avec les spectateurs, et son charme fait le reste.

Dominique Pinto a hésité avant de devenir Dom La Nena. Violoncelliste habituée à accompagner les autres - elle était du concert de Jane Birkin aux Francos de 2009 et de celui de Jeanne Moreau et Étienne Daho en 2011 -, elle se voyait mal à l'avant-scène en train de chanter ses chansons très personnelles racontant l'enfance et le mal du pays. Heureusement, l'ami Piers Faccini l'y a fortement encouragée, l'invitant à son studio maison dans les Cévennes et contribuant avec sa voix, sa guitare et des idées à ce délicieux premier album.

«Quand je suis allée travailler avec Piers, je ne savais même pas si ça allait vraiment devenir un album, raconte-t-elle dans un salon de son hôtel à Bourges. J'avais juste envie d'écrire des chansons, mais je n'avais pas de label. On le faisait vraiment pour nous, par envie de faire quelque chose dont on soit contents sans aucune pression. Quand j'ai trouvé [le label] Six Degrees et que les choses ont commencé à s'organiser, j'ai fait oh la la, qu'est-ce que je suis en train de faire? Et puis voilà, j'ai fait beaucoup de tout petits concerts pour les amis dans de petits endroits et au final j'ai construit un peu Dom La Nena.»

Chanter en portugais

Née à Porto Alegre et déménagée à Paris avec ses parents à 8 ans, Dominique Pinto n'avait que 13 ans quand elle a insisté pour aller parfaire pendant cinq ans sa formation de violoncelliste auprès de Christine Walevska à Buenos Aires. Après cinq autres années, la voilà qui donne des concerts en Europe, aux États-Unis et, demain soir, à Montréal.

Elle a de la difficulté à définir sa musique - «je n'y arrive jamais» - qui, concède-t-elle, se rapproche beaucoup plus du folk que de la musique brésilienne, «surtout ce qu'on appelle musique brésilienne à l'étranger».

Elle parle parfaitement le français, écrit de plus en plus en espagnol et chante même en anglais une reprise de Start a War de The National, mais l'artiste en elle s'exprime surtout dans sa langue maternelle, le portugais.

«C'était une période où j'allais beaucoup chez le psychanalyste, raconte-t-elle en étouffant un rire. Du coup, je travaillais vraiment beaucoup sur l'inconscient et les chansons venaient de manière très inconsciente en portugais même si je parle beaucoup plus français que portugais. Mais comme mes chansons parlaient du fait de se sentir loin, d'une espèce de déracinement, ça venait naturellement en portugais. J'ai essayé d'écrire des chansons en français, j'en ai fait quelques-unes dont je ne suis pas du tout fière, donc je ne les sors pas.»

Ce ne sont pas les projets qui manquent pour Dom La Nena. On pourra l'entendre sur le prochain album de Piers Faccini, Between Dogs and Wolves, qui sortira début septembre - «c'est magnifique», dit-elle - et on devrait la voir en concert avec ce dernier à l'automne ou l'hiver prochain.

Ce n'est pas tout. En mai, elle a enregistré un album en duo avec la chanteuse Rosemary Standley du groupe franco-américain Moriarty: «C'est un album de reprises où on fait du Monteverdi, du Leonard Cohen, du Tom Waits, du Purcell... C'est très très varié. On a donné des concerts en France: on chante toutes les deux et j'accompagne au violoncelle. On a aussi un tom basse et un harmonium, mais c'est vraiment accessoire. Le disque devrait sortir à la fin de l'année.»

Dom La Nena, à L'Astral, demain à 21h.