Pianiste classique de formation, réalisateur de musique et de vidéoclips (Moby, Katy Perry, Rihanna, etc.), Yoann Lemoine est aujourd'hui auteur-compositeur-interprète à part entière.

Pour son premier album à titre personnel, The Golden Age, le Français a créé le personnage de Woodkid afin d'orchestrer le chant métaphorique d'un garçon de bois devenant un homme de marbre.

«The Golden Age n'est pas un projet moral, précise-t-il, mais le témoignage du passage de l'enfance à l'âge adulte. D'un endurcissement aussi.»

Cette mutation se traduit par un rapport entre passé et futur qui s'entend dans l'évolution de la production, passant d'organique à minérale, d'orchestrale à électronique.

Yoann Lemoine a pris un plaisir évident à déformer, à étirer les sons, pour refléter les dégradés de cette «transition» vers une forme de pétrification.

Amateur de jeux vidéo (Final Fantasy, entre autres) et de l'oeuvre de J.R.R. Tolkien (Le seigneur des anneaux), il a toujours été fasciné par «l'idée d'évolution d'un personnage» dans un monde recréé avec ses codes sociaux, politiques et religieux. Autant d'«évolutions» qu'il explore aujourd'hui à sa manière sous le pseudonyme de Woodkid.

De voix et de pigments

Ce faisant, l'auteur et compositeur a dû apprivoiser un instrument avec lequel il n'avait jamais travaillé devant un micro: sa voix.

«J'ai transformé mon manque d'expérience en atout, dit-il. Cette fragilité qu'on entend dans ma voix correspond bien à celle de cet enfant qui se retrouve face au monde adulte. Il y avait ainsi quelque chose de vrai, de naturel, dans cette collision entre mon interprétation, plus à l'instinct, et la production assez massive, très maîtrisée et réfléchie.»

Car Yoann Lemoine peint de véritables fresques musicales. «Il y a une très forte influence de la peinture classique dans ce que je produis, confirme-t-il. J'aime faire pictural, aussi bien par les sons que par les images très léchées que je privilégie. Ça relève en quelque sorte du geste de l'artisan.»

Trames sonores

On ne s'étonne pas d'apprendre que l'artiste de 29 ans a écouté beaucoup de trames sonores de films et de séries télévisées. Ni de l'entendre faire valoir qu'aujourd'hui, il veut «jouer avec le rapport entre l'oeil et l'oreille», mû par le désir de créer des univers empreints de «sensations».

«J'ai un souvenir précis de la ligne de basse de l'ouverture de la série Twin Peaks, que mes parents ne voulaient pas que je regarde quand j'étais gamin, raconte-t-il en rigolant. Quand j'ai enfin pu visionner la série, la part de mystère de cette musique s'est muée en sensation de familiarité.»

À force d'écouter et de ciseler la musique des autres, le réalisateur a ressenti le besoin «d'essayer d'amener cette dimension» dans sa propre production.

«Il y a quelque chose d'à la fois effrayant et excitant à passer de l'autre côté», avoue-t-il.

Travaillant à Los Angeles et à New York depuis plusieurs années, Yoann Lemoine a opté pour l'anglais afin de donner à sa musique la même chance de voyager qu'à ses clips. «Je ne voulais pas la restreindre à un territoire précis en chantant en français. Déjà que je n'arrive pas sur le marché avec des tubes FM, ç'aurait été une double béquille...»

The Golden Age sort près de deux ans après les premiers coups de sonde, Iron et Run Boy Run. «Superbe coïncidence», souligne Yoann Lemoine, ces deux simples ont été retenus pour le lancement des jeux vidéo Assassin's CreedII et III.

«L'ADN de ma musique a un lien avec un tel produit. Je n'aurais jamais donné ma musique pour vendre un jambon ou un jus de fruits, peu importe sa qualité. Ça n'aurait tout simplement pas de sens.»

Woodkid est au Métropolis lundi à 20h30.