Une bruine persistante tombait encore sur la Place des festivals peu avant le concert de Feist, ce soir. Avec la brise fraîche qui soufflait par moments, le temps n'avait rien d'estival en cette soirée d'ouverture du 34e Festival international de jazz de Montréal. Une foule imposante s'est néanmoins massée dans ce vaste espace qui jouxte le Musée d'art contemporain pour entendre la chanteuse canadienne et sa pop sophistiquée.

Elle s'est laissée désirer, Feist. Elle a en effet foulé la scène une vingtaine de minutes plus tard que l'heure prévue. Elle s'était bricolée une entrée au son d'une musique orchestrale épique... qui a connu des ratés. Son premier morceau, lui, fut autrement plus efficace: rythmique solide et guitare au son étonnamment brut. L'instant d'après, Feist chantait déjà un de ses airs les plus connus, l'entraînante My Moon My Man, au grand plaisir de ses fans.

L'inquiétude qu'on pouvait avoir sur la capacité de Feist et de ses chansons souvent en demi-teintes d'habiter le vaste espace de la Place des festivals s'est vite dissipée. La grande dame du indie rock canadien semblait d'abord vouloir miser sur des versions musclées et ne pas avoir l'intention de bouder ses refrains les plus fédérateurs. Elle était d'humeur légère... et la foule aussi. Combinaison gagnante, se disait-on.

Feist, qui se produisait en trio avec un batteur et un claviériste, a toutefois assez rapidement ralenti la cadence et tenté de miser sur l'atmosphère. Elle grattait sa guitare électrique en triturant ses accords, créant des lignes syncopées sur lesquelles elle posait son chant parfois découpé, lui aussi. Avec un résultat mitigé. Comfort me a été accueillie par une volée de bras en l'air et sa mélodie fut chantée doucement par la foule.

Sa version théâtrale de When I Was A Young Girl fut toutefois juste assez rock et tonique pour remettre du pep dans la foule, ce qui a visiblement réjoui la chanteuse. «Je ne m'attendais pas du tout à avoir du plaisir cet après-midi et pourtant nous sommes là», a-t-elle lancé, après s'être montrée étonnée de l'importance de la foule qu'elle avait sous les yeux. Sur cette lancée, elle a enchaîné avec une jolie version de Mushaboom, chanson au refrain léger, et Past In My Present.

Une bruine s'est remise à tomber au moment où Feist interprétait une chanson de James Blake, délaissant momentanément sa guitare pour un appareillage électronique de circonstance. Sa six cordes est revenue pour The Bad In Each Other où sa voix a montré ses limites, comme ce fut le cas un peu plus tôt avec Graveyard.

I Feel It All, jouée en fin de programme, a été l'un des beaux moments de la soirée. Allez savoir pourquoi, quand elle est revenue au rappel, elle a opté pour une autre reprise confidentielle - mais fort jolie - plutôt que de créer la surprise en ressortant 1234 ou un autre de ses morceaux les plus forts. Un spectacle grand public avec une attitude... très indie!

Feist a offert un concert ponctué de segments tripatifs, mais on en ressort aussi avec le sentiment que la formule choisie - le trio rock - n'était pas adaptée à l'envergure de la Place des festivals. C'était un peu chenu, compte tenu des possibilités et des orchestrations qu'elle-même couche sur disque. Sa présence seule et ses airs de grande prêtresse rock dans sa robe à frange n'ont pas suffi à faire de ce concert un vrai grand événement.