Sarah Slean est une jeune femme ambitieuse, audacieuse, certains diront même inconsciente. Partout, toujours, elle suit sa muse qui la ramène à Montréal pour l'avant-dernier concert de sa tournée Sea.

Sarah Slean est une artiste prolifique. La Torontoise de 36 ans lance un nouvel album aux deux ans et son petit dernier, en 2011, était un double: Land and Sea. On n'a pas dû l'aviser que l'industrie du disque était en crise.

«C'est mon mantra, je n'ai pas le choix, dit-elle au téléphone. Dans la vingtaine, j'étais déchirée: je ne voulais pas me fondre dans le moule, mais je tentais de faire de la pop qui tourne à la radio. Aujourd'hui, je suis en paix avec moi-même. J'aime la musique, je vais toujours l'aimer et je vais toujours en faire. Rien d'autre ne compte.»

Comme elle ne fait rien comme les autres, Sarah a d'abord donné un concert avec la matière du disque Land, qui l'a amenée à la Sala Rossa il y a deux ans. Par la suite, elle est repartie en tournée avec l'autre moitié de son dernier opus, Sea.

Pas simple comme opération: quand elle a composé et orchestré les chansons de Sea, elle avait en tête une section de 21 cordes. Sur disque, ça peut toujours aller, mais en tournée, ça commence à coûter cher.

«Déjà en enregistrant le disque, je me demandais comment partir en tournée avec ça, ça me semblait impossible, convient-elle. Mais on ne pouvait faire autrement: les cordes sont une partie intégrante des chansons de Sea. On a finalement opté pour le plus petit ensemble possible: cinq cordes, un batteur et une chanteuse auxquels, dans chaque ville, se greffent des musiciens symphoniques locaux.»

À Québec, l'hiver dernier, Sarah Slean pouvait compter sur cinq cordes, mais en Nouvelle-Écosse, elle a joué avec un orchestre symphonique complet, ce qu'elle fera encore avec l'Orchestre du CNA à Ottawa, le jour de la Fête du Canada. Ce soir, elle sera entourée de neuf cordes, dont sept de Montréal, d'un batteur et d'une chanteuse. Quelle que soit la configuration des musiciens, la musique est conforme à ce qu'elle a composé. «De toute façon, on ne pourrait pas être une vingtaine sur la scène du Club Soda», dit-elle en riant.

Deux univers

Tant qu'à en faire un seul album double, pourquoi n'a-t-elle pas monté dès le départ un concert hybride dans lequel pourraient se côtoyer les chansons plus pop, plus terre-à-terre de Land, et celles plus symphoniques, plus éthérées de Sea?

La question l'amuse: «On joue une chanson de Land dans la tournée Sea, pour laquelle j'ai écrit des arrangements de cordes. Je ne dirai pas laquelle, c'est une surprise. Pour moi, ce sont deux univers tellement différents, les textes parlent de concepts très distincts et les atmosphères de ces deux groupes de chansons le sont tout autant.»

Par contre, elle n'hésitera pas à mêler aux chansons de Sea des titres de ses albums précédents. «Sea est une expérience intérieure, proche de la méditation, mais je ne veux pas que cette heure et demie passée avec le public soit trop lourde ni trop lente. J'exploite donc les contrastes entre les chansons et les climats. Comme dans la vie, les contrastes sont essentiels: on ne goûte vraiment la joie que si on a souffert.»

Francophile, Sarah Slean a déjà vécu à Paris, où elle doit retourner en septembre pour un spectacle avec Ian Kelly et Emilie-Claire Barlow et, l'an dernier, elle s'est installée à Montréal quelques semaines pour préparer un spectacle de théâtre musical qui lui tient à coeur.

«Ce sera un genre de pièce de théâtre bilingue avec de la musique et du chant, explique-t-elle. C'est l'histoire d'Emily, une anglophone, et Vincent, un francophone, qui vivent dans la même pension du Montréal des années 20. Deux êtres solitaires qui ne sont pas faits pour s'entendre et qui tombent amoureux à reculons. Des Roméo et Juliette mésadaptés. La gardienne de la pension est une vieille femme autochtone. Quand l'histoire a commencé à prendre forme, je suis allée au Musée McCord, j'y ai vu des photos du Montréal d'antan et une musique a commencé à m'envahir.»

Ce spectacle dont elle écrit présentement les orchestrations et dans lequel elle pourrait jouer, Sarah Slean espère le présenter au prochain festival Luminato de Toronto, en juin 2014. Elle compte en terminer l'écriture d'ici la fin de 2013, en même temps qu'elle pondra les chansons de son prochain album.

«Ma vie personnelle a connu des bouleversements ces derniers temps et je me suis mise à écrire beaucoup. Dès que j'aurai trouvé une maison, pas nécessairement à Toronto, je vais commencer à travailler à ce disque et terminer la comédie musicale. Ça m'excite.»