Les spectateurs qui emplissaient la salle Wilfrid-Pelletier jeudi soir, en avant-première du 34e Festival de jazz, ont vite reconnu le Pink Martini qu'ils aiment tant, dès l'instant où le pianiste Thomas Lauderdale et ses 10 amis musiciens se sont lancés dans le classique cubain Malagueña que tout le monde connaît sans le connaître.

Ne manquait plus que la chanteuse China Forbes, dans sa robe d'un rouge éclatant, qu'on a retrouvée avec un plaisir évident après le rendez-vous manqué de 2011 pour cause de cordes vocales abîmées. China qui étire la note et se met à chanter Amado Mio, la première chanson du tout premier album de Pink Martini. Les applaudissements fusent, China se met à danser et Wilfrid-Pelletier baigne dans un bonheur confortable.

Pendant une heure et demie, Lauderdale et Forbes, en bons diplômés de Harvard qu'ils sont, causeront au public en français et lui proposeront des chansons aux accents latins d'une autre époque, chantées en anglais, en espagnol, en japonais, en italien, en croate, en grec (Les enfants du Pirée), en turc - «chantez avec moi si vous connaissez les paroles», a lancé la chanteuse rigolote - et, évidemment, en français. Tout le monde attendait Sympathique, la chanson qui les a mis au monde, mais peut-être pas aussi tôt qu'au quatrième rang de ce programme qui nous réservait quelques surprises.

Thomas Lauderdale est la tête de Pink Martini et China Forbes, son coeur. Mais en 2013, le groupe de Portland est plus que jamais un collectif. Non seulement les musiciens se mettent-ils fréquemment en évidence, mais mademoiselle Forbes cède son micro à d'autres membres du groupe: le percussionniste-choriste Timothy Mishimoto, qui fait également un duo avec la belle pendant Mayonaka no bossa nova, et le tromboniste Robert Taylor qui reprend le standard She Was Too Good To Me associé à Chet Baker, les deux mains nerveusement agrippées au micro sur pied. Rien pour écrire à sa mère.

Plus tard, place au classique : le violoniste Nick Crosa joue la Romanza andaluza de l'Espagnol Pablo de Sarasate avec pour seul accompagnement le piano de Lauderdale. Le public l'applaudit longuement comme il l'a fait quand le guitariste, le contrebassiste et les cuivres ont pris leur solo tour à tour pendant l'instrumentale The Flying Squirrel, prétexte à inviter les spectateurs à monter sur scène pour danser derrière l'orchestre.

Vous l'aurez compris, c'était un spectacle un peu éparpillé dont l'unique moment d'émotion est survenu au rappel quand China Forbes, guitare acoustique en bandoulière, a repris Ma solitude de Georges Moustaki, qu'elle a déjà enregistrée avec l'artiste français disparu le mois dernier. Une chorale bien timide a chanté le refrain avec elle puis le public s'est levé d'un trait pour taper des mains au rythme entraînant de Brazil.

Pink Martini remet ça vendredi soir à Wilfrid-Pelletier.