Sur son nouvel album, Border-Free, Chucho Valdés arbore une énorme coiffe de chef amérindien. Le cliché n'est pas que sympathique, il synthétise à quel point le maître du jazz afro-cubain incarne ce métissage culturel qui lui est cher et qu'il n'a de cesse de poursuivre, avec un plaisir renouvelé.

«Il y a longtemps, environ 700 Amérindiens sont allés à Cuba et ont socialisé avec les Cubains, les Africains et tous les gens là-bas», dit le musicien qui se produit demain soir, à 20h, au Théâtre Maisonneuve, dans le cadre du Festival de jazz de Montréal. «Ils ont vécu parmi eux et ont amené de la nouvelle musique, de la nourriture. Ils ont grandi ensemble et ont eu des enfants... Et donc ils ont apporté à Cuba des choses intéressantes.»

Pendant des décennies, Chucho Valdés a été profondément fidèle à Cuba. Alors qu'il voyait ses collègues faire défection les uns après les autres pour s'exiler en Occident, le musicien aujourd'hui âgé de 71 ans avait des allures d'ambassadeur. C'est donc avec un certain étonnement qu'on l'a vu plier bagage pour l'Espagne, il y a trois ans. Qu'est-ce qui l'a mené là-bas?

«Il y a plusieurs années, tous les musiciens cubains quittaient leur pays pour l'Amérique afin de partir sur la route du jazz, relate-t-il. [...] Mais moi, j'étais à Cuba, sur la route de la musique africaine. Désormais, je vis en Espagne et j'apprends la musique flamenco et les influences du nord de l'Afrique sur les Espagnols et leur musique.»

Vrai que, sur Border-Free, on peut sentir l'influence de sa délocalisation. Celui à qui l'on doit la mythique formation Irakere a pondu des titres comme Santa Cruz, qui laisse clairement poindre des influences espagnoles, et Abdel, qui nous fait passer de segments presque free jazz à des envolées moyen-orientales.

«C'est important de mélanger tous les types de musique parce que les gens peuvent découvrir d'autres genres tout en pensant à Cuba, insiste-t-il. Ils peuvent donc apprécier des éléments arabes, indiens ou espagnols, mais ils entendent Cuba en même temps.»

Heureuses collaborations

Au sein de sa bande, Chucho Valdés demeure certes le leader incontesté, mais toutes les idées sont bienvenues de la part de ses musiciens. Il faut dire que le pianiste aime les collaborations. Pour son nouveau séjour en studio, il a d'ailleurs recruté le saxophoniste Branford Marsalis, qu'il a croisé au Lincoln Center de New York.

«Je l'ai invité car je l'ai toujours beaucoup admiré. [...] Il y a plein d'autres musiciens avec lesquels j'aimerais collaborer, dit-il. Kenny Garrett, Herbie [Hancock], Chick Corea ou Paco de Lucía... Il y en a trop!»

Chucho Valdés est venu régulièrement au Québec au fil des ans. Pour cette nouvelle visite, il compte mettre l'accent sur ses récentes compositions et faire découvrir au public sa nouvelle section rythmique, qui apporte quelque chose davantage soul, mais sans perdre de vue ses compositions incontournables.

«Je suis intéressé par toutes les configurations. Solo, parfois, duo, trio ou tout le monde, dit-il. Je veux essayer différentes choses pour combler les gens. Je veux développer mes idées dans différents ensembles à l'intérieur même de mon groupe.»

Chucho Valdés & The Afro-Cuban Messengers, Théâtre Maisonneuve, demain soir, 20h.