Il y a 30 ans, Liza Minnelli chantait dans la même salle Wilfrid-Pelletier qui l'a accueillie avec ses sept musiciens hier soir. Elle était alors au sommet de la gloire après une décennie qui l'avait consacrée star du cinéma, du disque et de la scène.

Aujourd'hui, le petit bout de femme qu'on a vu apparaître sans fla-fla côté jardin après que ses musiciens eurent joué quelques mesures de New York, New York ne maîtrise pas toujours sa voix et elle est souvent à bout de souffle, mais tout cela n'a aucune espèce d'importance. Quand vient le temps de donner un show dans la grande tradition américaine, Liza Minnelli est dans une classe à part.

Elle nous annonce très vite qu'elle s'est fracturé une cheville, mais ça ne l'empêchera pas de se trémousser et de danser. Elle fausse pendant Maybe This Time? Pas grave, elle s'interrompt, demande qu'on ajuste le volume de son moniteur de scène puis reprend de plus belle.

De toute façon, Liza avec un Z, comme elle nous l'a évidemment rappelé en français et en anglais dans un numéro qui n'a rien perdu de son efficacité malgré les années, cette Liza est une interprète avant que d'être une chanteuse. Ou plutôt ce que les Américains appellent une entertainer, un artiste qui exploite au maximum la somme de ses talents.

Elle a rendu à son mentor Charles Aznavour, «qui écrit des chansons sur des questions que personne n'aborde», a-t-elle dit, le plus beau compliment qui soit en faisant de la version anglaise de Comme ils disent un émouvant moment de théâtre. Juste avant, elle nous avait joué le personnage de Roxie Hart de la comédie musicale Chicago avec aplomb, un rôle qu'elle a décroché pendant six semaines à Broadway après avoir convaincu Bob Fosse. Elle a évidemment chanté Cabaret avec tout le «oumph» requis, puis elle s'est épongé le front et s'est servi une tasse de Gatorade pour mieux repartir dans l'action.

Les chansons de son dernier album, Confessions, n'ont pas suscité le même enthousiasme, mais elle s'est rachetée avec une version explosive de sa chanson préférée entre toutes, But The World Goes Round, qui va comme un gant à cette survivante de 66 ans.

Elle avait gardé pour la fin LA chanson, celle que l'oncle Frank lui a empruntée pour un spectacle dans la métropole américaine: New York, New York. «Il a obtenu le plus gros succès sur disque qui se puisse être. J'aurais pu le tuer», a-t-elle dit à la blague avant de se la réapproprier.

Puis, elle a donné congé à ses musiciens sous les acclamations et a joué d'audace en chantant a cappella I'll Be Seeing You, avant d'accepter des mains d'Alain Simard le prix Ella-Fitzgerald. Ce qu'elle a fait, comme tout le reste, avec l'émotion non feinte d'une artiste généreuse et authentique qui sait toucher les gens.