Ron Carter est le récipiendaire 2012 du Prix Miles-Davis. Quiconque s'intéresse un tant soit peu au jazz sait la contribution cruciale de ce contrebassiste, pilier du super quintette mené par le trompettiste et leader esthétique dont l'esprit incarne le mieux l'histoire du festival montréalais. Et dont le nom est celui de la récompense la plus prestigieuse qui y est attribuée annuellement.

Ron Carter, 75 ans, est très grand. Svelte, altier, fier, impressionnant à voir de près. Impeccablement vêtu, il se tient droit aux côtés de son instrument et de ses collègues... impeccablement vêtus. Le musicien ferme souvent les yeux lorsqu'il émet ces lignes parfaites et le son parfait qui sont la charpente de sa musique en trio. Trio archi-compétent, il va sans dire: Russell Malone, représentant de l'élite de la guitare électrique en mode années 50, et Donald Vega, pianiste à la fois rigoureux et délicat - tout de même inférieur au maître Mulgrew Miller qui en est le membre régulier.

Au Club Soda, lundi, Ron Carter s'exprimait devant ses admirateurs comme il l'aurait fait dans son jeune temps, c'est-à-dire avant de tenter les expériences qui ont marqué l'histoire du jazz moderne - à commencer par celle du fameux quintette de Miles puis dans moult projets assez audacieux des années 70. Au fil du temps, cette référence absolue de la contrebasse s'est repliée vers un territoire plus sobre, plus proche de l'idée qu'on se faisait du jazz moderne entre 1945 et 1960. Déjà, lorsqu'il fut artiste en résidence aux FIJM à la fin des années 80, on voyait revenir chez lui un certain conservatisme, à tout le moins une rigidité.

C'est son droit le plus strict. Respectons cette propension au classicisme jazz, paradoxalement essentiel au maintien de la tradition et à la transmission d'un patrimoine si riche. Tout classicisme exige certes rigueur, précision et sobriété mais... lundi soir, ces qualités auraient pu être assorties d'une certaine ferveur, de quelques gouttes supplémentaires de transpiration, de quelques élans. Il n'en fut point, ou si peu.

Ron Carter a préféré rester impeccable sur toute la ligne, éviter tout risque et astiquer une image parfaite de lui-même en ne choisissant que des relectures du Great American Song Book (tous ces My Funny Valentine). En suggérant à ses collègues une trop grande retenue - Russell Malone peut faire tellement plus! En s'exprimant l'intérieur de paramètres étroits et, il faut le dire, souvent ennuyeux.