Du gospel à la musique de bordel, Miche Braden a toujours cherché les liens entre la vie et l'oeuvre des divas afro-américaines.

«Il s'agit de marier la musique avec la vie...» Depuis l'an 2000, Miche Braden - prononcé Miki - incarne celle que l'on appelait «l'impératrice du blues» dans The Devil's Music The Life and Blues of Bessie Smith; le spectacle conçu par Angelo Parra commence lundi à la Cinquième Salle de Place des Arts.

Miche Braden connaît bien ce préalable des biographies musicales, elle qui a aussi cumulé les fonctions d'interprète et de directeur musical dans des productions sur Billie Holiday (Lady Day at Emerson's Bar&Grill) et Ma Rainey (Ma Rainey's Black Bottom). Elle a aussi travaillé à la musique de Mahalia (Jackson) - A Gospel Musical.

«Bessie Smith a été la plus grande chanteuse de son temps», nous dira Mme Braden, jointe la semaine dernière à sa résidence du New Jersey. «Sa vie, par ailleurs, est remplie de moments tragiques.»

Bessie Smith (1894-1937) a été dans les années 20 à l'origine de l'explosion de ce que l'on appelait alors aux States les «disques de race», c'est-à-dire les disques destinés aux Noirs, une partie de la société que l'industrie phonographique venait de découvrir comme marché. Bessie Smith a enregistré le premier race record de Columbia, le souriant Cemetery Blues en 1923, et accédera vite à la gloire avec le célèbre St. Louis Blues de W.C. Handy, enregistré en 1925 avec Louis Armstrong au cornet, première chanson blues à connaître le succès commercial.

Bisexuelle et menant grand train - elle voyageait avec sa troupe dans ses propres wagons -, Bessie Smith a vu le cinéma parlant mettre fin à sa carrière de vaudeville qui l'avait menée des théâtres noirs du T.O.B.A. (Theater Owners Booking Association) aux clubs chics de la côte Est. Plus tard, elle suivra un peu la mode swing, accompagnée par d'autres instrumentistes de renom tels le pianiste Fletcher Henderson et le saxophoniste Coleman Hawkins. Bessie Smith est morte à 43 ans dans un accident d'auto dont son mari est sorti indemne.

Ces vies de plaisirs et ces fins tragiques semblent bien se marier à «la musique du diable» et aux lieux qu'il fréquente... «À l'époque, le blues était la musique des bordels», rappelle Miche Braden, en soulignant l'évolution en parallèle de la contrepartie plus acceptable socialement de la musique de «divertissement», le gospel, du vieil anglais «god-spell», la «bonne nouvelle». La musique du bon Dieu de laquelle Mme Braden est aussi très proche en tant que «Minister of Music» de l'église du Unity Fellowship, mouvement religieux basé sur la théologie de la libération.

Elle est aussi productrice de disques... «Cette business est tellement folle qu'il faut être prêt à faire toutes les jobs, à exploiter tous ses talents pour survivre.» Et les talents de ses proches: le bassiste (Jim Hankins) du trio qui l'accompagne dans The Devil's Music est son oncle. «Ce sont de merveilleux musiciens qui font autant partie de l'histoire que le personnage principal.»

En plus de ses six soirs de Bessie Smith, Miche Braden sera l'invitée du James Carter Organ Trio, mardi au Club Soda. «James et moi, nous sommes comme des jumeaux. On a grandi ensemble à Detroit où je suis allée à la maternelle avec ses soeurs.» Au programme (touffu) de mardi - le guitariste Rodney Jones y sera aussi -, des pièces de Gardenias for Lady Day que Miche Braden a enregistrées avec le saxophoniste en 2003.

Sept spectacles donc, en six jours à Montréal où elle n'a jamais chanté. Comment se prépare-t-elle pour rentrer, jour après jour, dans la peau de Bessie Smith? «L'après-midi, je vais me promener avec mes chiens en répétant mon texte puis je passe deux heures au maquillage: je prends mon temps.»

Et comment a évolué ce spectacle, joué près de 700 fois off-Broadway et ailleurs dans le Nord-Est? «Ce n'est jamais pareil d'un soir à l'autre. Parfois, c'est un détail dans l'interprétation; le lendemain, c'est un accord dans l'accompagnement. Ça change tout le temps. Comme le jazz...»

The Devil's Music The Life and Blues of Bessie Smith, du 2 au 7 juillet, à la Cinquième Salle de la PdA.