Berceau du trip hop, la ville de Bristol abrite deux jazzmen... qui constituent la section rythmique de Portishead! Dans le cas qui nous occupe, le bassiste Jim Barr et le batteur Clive Dreamer (actuellement en tournée avec Radiohead) s'expriment sous la bannière Get The Blessing, de concert avec le saxophoniste Jake McMurchie et le trompettiste Pete Judge.

L'instrumentation n'est pas sans rappeler le quatuor originel d'Ornette Coleman, grande source d'inspiration pour ces musiciens anglais qui dévorent aussi la musique conjuguée à l'indicatif présent.

Sous l'étiquette Cake/Candid Records, le quartette anglais a créé les albums All Is Yes (2008, primé aux BBC Music Jazz Awards) et Bugs in Amber (2009), sans compter le maxi Bleach Cake/The Unnameable. En 2012, un troisième album a été rendu public sous le label Naim: OCDC.

Avant la première escale montréalaise de Get The Blessing qui s'inscrit dans une première tournée canadienne, nous avons joint les trois fondateurs de The Blessing - le quatrième a été remplacé par le batteur Dylan Howe, fiston du légendaire guitariste prog Steve Howe. Il faut faire connaissance, car, malgré ces noms connus au programme, nous sommes en terre inconnue. D'entrée de jeu, on nous apprendra que Polar Bear, Acoustic Laydyland, Portico Quartet et autres formations feraient partie de la même mouvance.

«D'autres créatures comparables y vivent et se nourrissent des mêmes ingrédients, explique Jim Barr. Ce qui nous caractérise, en fait, est ce goût pour plusieurs musiques qui ne sont pas jazz. Nous sommes fans de Radiohead, de musiques électroniques, de dance music ou de pop. La façon dont nous bricolons les matériaux de nos compositions originales ressemble davantage à Radiohead ou celle de DJ/réalisateurs.»

Alors pourquoi faire du jazz? La réponse du bassiste est fournie sans hésitation:

«Parce que nous provenons de cette culture, parce qu'elle est le fondement de notre éducation musicale. Et, il faut le dire, nous aimons aussi faire du jazz d'une manière plus conventionnelle, nous aimons jouer des standards et autres formes classiques du jazz. Or, sur le plan créatif, ces formes ne sont pas satisfaisantes. C'est pourquoi nous préférons des structures plus ouvertes, qui nous permettent néanmoins de jouer dans un contexte jazz.»

Ainsi, Get The Blessing exclut les séquences préenregistrées ou les échantillonnages numériques. Le jeu des instruments, cependant, admet l'usage d'effets divers (pédales de distorsion, etc.) afin d'en modifier les effets. «Autre aspect important, reprend Jim Barr, l'improvisation est très importante dans le jeu comme dans le processus compositionnel. Improvisation individuelle ou collective, favorisée par l'absence d'instrument harmonique. Enfin, je dirais que l'instinct l'emporte sur toute planification formelle. Ça sort comme ça sort...»

Le saxophoniste Jake McMurchie poursuit l'explication:

«Notre façon de faire se rapproche aussi des musiques de film; notre musique se crée et se déroule à la manière d'une bande originale. Les formes que nous préconisons ne sont pas statiques, nos esprits sont en mouvement. À notre manière, nous traitons actuellement une instrumentation acoustique ou électrique, nous ne savons pas où nous en serons l'an prochain.»

Le trompettiste Pete Judge, complète la liste des ingrédients:

«Même s'il est aujourd'hui difficile pour un groupe anglais de jazz de tourner en Amérique du Nord, nous inspirons de plusieurs jazzmen nord-américains, qu'ils soient issus du jazz ou encore du minimalisme (Reich, Glass, Adams, etc.). Mais, au bout du compte, l'affaire est européenne, la musique classique est aussi une source importante de notre travail. Nous voyons d'un bon oeil que toutes ces catégories se fracturent de manière à pouvoir créer de nouveaux assemblages avec leurs fragments.»

Get The Blessing ne prétend pas pour autant à des «assemblages» absolument inédits:

«Nous savons, convient Jake McMurchie, que plusieurs jazzmen de la période actuelles expriment des influences similaires aux nôtres. Nous créons pour nous-mêmes et d'autres personnes aiment notre musique, la puissance de notre groove, notre force mélodique. Nous n'intellectualisons davantage, nous  poursuivons cette expérience où le collectif l'emporte largement sur l'expression individuelle. Nous sommes davantage un groupe qu'un alignement de personnalités. Le jeu de chacun doit d'abord servir la pièce.»

Bien évidemment, on ne pourra éviter le sujet avant de conclure: Jim Barr est invité à rappeler son lien avec Portishead et Radiohead.

«Clive Dreamer a joué sur tous les albums de P Head. J'ai joué sur Third et sur l'enregistrement public au Roseland de New York. Pourquoi faire du jazz en parallèle? Pour se dégager des consignes plus rigides qu'exige l'interprétation de Portishead. Après de longs mois de tournée avec ce groupe, Clive et moi avions ressenti une soudaine liberté en fondant ce groupe; depuis lors, Get The Blessing est devenu une expression parallèle à nos collaborations auprès de Portishead et autres Radiohead.

«Cela dit, nous ne pouvons toujours maintenir intacte la formation originelle car les opportunités professionnelles (et financières) peuvent nous en éloigner. Ainsi, nous tournons régulièrement avec Dylan Howe au lieu de Clive, ce qui est aussi super... et différent. Vous savez, un quartette sans instrument harmonique exige beaucoup d'un batteur et d'un bassiste. Cela dit, cela ne requiert pas un grand changement d'approche. Étrangement, nous avons le sentiment de rester nous-mêmes sur tous les territoires musicaux. Avec mais avec plus de latitude côté jazz.»

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Dans le cadre de la série Jazz dans la nuit du FIJM, Get The Blessing se produit au Gesù, dimanche, 22h30.