En revoyant Daniel Lanois sur la scène de Wilfrid-Pelletier, hier, on doutait presque que c'était l'homme qu'on avait trouvé presque dépourvu de charisme au Spectrum, en 2002. Le légendaire réalisateur n'est évidemment pas devenu aussi extraverti que son ami Bono, mais son aura a pris du coffre. Son jeu de guitare demeure magnétique et il s'impose désormais naturellement sur les planches. Mieux, on ne l'avait jamais entendu chanter de manière aussi expressive.

Il faut dire que, lors de ses visites précédentes, Lanois se trouvait seul au centre de son univers chansonnier, tiraillé entre le folk et le rock d'ambiance. Or, cette fois-ci, il venait présenter la matière de son projet Black Dub en compagnie du palpitant Brian Blade à la batterie, du bassiste Jim Wilson et de la chanteuse Trixie Whitley. Partager le micro avec la jeune demoiselle pousse visiblement Lanois à se dépasser.

Black Dub, sur disque, c'est du groove poli. Sur scène, les chansons retrouvent un caractère brut. Grâce, surtout, à la rythmique de plomb de Brian Blade et à la performance vocale de Trixie Whitley. Celle-ci possède une voix d'une puissance étonnante compte tenu de sa frêle constitution, et en habite chaque inflexion. Dire que cette fille a de l'âme est un euphémisme: son chant remplirait jusqu'au dernier recoin d'une cathédrale.

Puisque c'était un concert de Black Dub et non de Daniel Lanois, le quatuor a interprété plusieurs morceaux de l'album paru l'an dernier: Silverado, Last Time, Surely, Love Lies et l'impressionnant I Believe in You, entre autres. Dépouillées des délicates couches d'orchestration appliquées en studio et livrées de manière directe, les chansons se sont avérées chargées, physiques, incarnées et même charnelles par moments. D'une force qui faisait oublier le caractère schématique de certains morceaux.

Lanois s'est montré d'une éloquence subtile à la six cordes électrique, dont il sait tirer toutes les gammes de couleurs et d'émotions, ainsi que toutes les nuances. Brian Blade, à sa droite, était toutefois l'épine dorsale du spectacle, pimentant ici une structure trop linéaire, ajoutant là un peu tension et jamais à court d'inspiration et de musicalité. Il méritait amplement les applaudissements nourris qu'il a reçus à mi-chemin du concert.

Lanois a profité de l'occasion pour glisser quelques-unes de ses pièces fétiches. Notamment The Collection of Marie Claire (au grand plaisir de l'assistance) qui fut couplée avec Fire (pièce tirée de son album Shine). La version à trois voix (Trixie Whitley, Jim Wilson et Lanoia) de The Messenger fut d'une grande beauté.