Plus souvent qu'autrement,  les groupes multigénérationnels s'adressent aux jeunes accompagnés de leurs parents si heureux de leur faire découvrir leur folle jeunesse. Jaga Jazzist n'a rien avoir avec ce phénomène.  Au Club Soda, il se trouvait des fous de musique de tous âges, pourtant. Soufflés par ce cyclone de Norvège, les fans de Jaga Jazzist sont loin de carburer à la nostalgie ou la visite au musée, ils incarnent le renouvellement des forces au chapitre de la musique instrumentale de pointe.

Au sortir de cette heure et demie où le plafond a failli sauter dans une salle à guichets fermés, d'aucuns se sont dit qu'ils en auraient pris au moins une demi heure de plus. Je ne sais si on a donné des consignes strictes au nonnette scandinave ou encore si le concert en mode festival a induit une prestation d'un peu plus d'une heure et demie mais... franchement, ce n'était pas assez long. Si Prince est capable de faire quatre heures, Jaga peut assurément en faire (au moins) deux.

Cette frustration étant exprimée, admettons que ce fut excellent comme ce le fut en 2004. Quelle force d'impact!

Le batteur Martin Horntveth, frère de Lars (sax ténor, etc.) qui compose cette musique extraordinaire pour son éclectisme (jazz, prog rock,, indie rock, shoegaze rock minimalisme américain, afrobeat, techno, etc.),  a agi comme maître de cérémonie et ainsi attisé la foule entre les pièces. À l'instar de ses collègues, on l'a senti touché voire impressionné par l'énergie qui lui ont rendu les fans québécois. Oui oui, le public était carrément déchaîné.

Comme prévu, le corps du concert était constitué de la matière de One Armed-Bandit, dernier album de Jaga, paru à l'automne 2009. Matière à laquelle le groupe a adjoint quelques suppléments dont une pièce rebaptisée Montreal Skyline pour l'occasion.

Force est d'observer que l'interprétation sur scène de cette matière la pousse plus loin plus loin qu'en studio. Galvanisés par l'urgence du live, les interprètes bénéficient d'un espace supplémentaire; les pièces sont allongées par de nouveaux ponts qui permettent de faire évoluer les orchestrations.

On remarque également que le son Jaga prend sa force dans le collectif et non dans les expressions individuelles. Chacun des neuf membres exécute avec émotion, ferveur et précision ce qu'il a à jouer, bien qu'on ne puisse conclure à de la haute voltige. La diversité des instruments et la capacité de chaque musicien à en jouer plusieurs (anches, cuivres, cordes électriques, claviers, électronique, percussions élaborées, métallophone, etc.) ajoute à cette nécessité de faire tout bon sans prétendre à la technique de très haut niveau.

Or, si Jaga n'offre pas une musique de soliste, ce groupe propose une authentique virtuosité collective.

Sur scène, en fait, la formation dépasse clairement ce que ses albums n'arrivent pas à capter complètement. Ce qui se passe devant public est clairement plus puissant, nous venons d'en avoir la deuxième démonstration montréalaise.

Souhaitons que le prochain clash ne se produise pas dans plusieurs années... et qu'il aura la longueur nécessaire aux événements qui marquent l'imaginaire d'une vie entière de mélomane. À ce titre, Jaga Jazzist est parfaitement apte à inscrire une telle marque.