Incliné vers le haut, le pavillon de sa trompette rappelle celui de feu Dizzy Gillespie. Et c'est d'ailleurs le seul rapprochement qu'on puisse faire avec le géant du bebop. Quant à l'inclinaison de son attitude, ça se passe aussi vers le haut... Évident qu'il a la grosse tête, ce Christian Scott.

Prend (beaucoup) trop de temps pour décrire le soi disant génie de chacun de ses collègues. Interrompt une pièce au début de son exécution, jugeant le volume de son instrument trop fort alors qu'il ne l'est pas assez. S'écoute parler lorsqu'il présente la matière au programme.  En bon Québécois, y s'prend pas pour d'la m...

Or, cette grosse tête est à la hauteur de ses prétentions. Il s'en passe des choses là-dedans!

Au-delà de ses critères (assez nuls) de sonorisation, au-delà de cette apparente outrecuidance, Christian Scott s'avère... une des meilleures surprises de ce 31e FIJM. Je l'avais raté il y a une paire d'années, son travail était alors plus proche du nujazz à saveur black et américaine.

Ce n'est plus exactement le cas.

À l'écoute de la matière de l'album récent Yesterday You Said Tomorrow (étiquette Concord), j'ai eu la puce à l'oreille. Voilà un album qui fera son chemin -en tout cas, s'achemine allègrement vers mon top 10 perso de 2010. Alors?  Même s'il s'agissait  du dernier d'une suite hallucinante de concerts, il fallait être lundi au Gesù, pour ainsi clore la série Jazz dans la nuit- au demeurant, très défendable cette année.

Matthew Stevens, guitare. Très personnel dans son jeu d'accompagnement, tout comme dans son jeu de soliste, il participe de plain-pied au son original de cet ensemble dont Christian Scott est le concepteur essentiel. Milton Fletcher, piano. Style percussif, friand de gammes modales, harmonies contemporaines et dissonances bien placées, bien qu'il puisse trébucher en haute vitesse.  Kriss Funn, contrebasse, Jamire Williams, batterie. Plus souvent qu'autrement, cette section rythmique très compétente s'exécute la pédale dans le tapis.

Sauf exception, force est de déduire,  ce que préconise Christian Scott sur scène est très intense. Et cette intensité n'est pas celle qu'on imagine se dégager d'un jazz afro-américain -auquel ne participe qu'un seul visage pâle, et dont la guitare est fondamentale dans ce son d'ensemble. En ressort aussi une esthétique qui n'est pas étrangère au rock indie sans qu'elle n'évacue son côté black pour autant. À l'image, donc, de l'éclectisme des nouveaux musiciens noirs, métis ou blancs. Contrairement à Robert Glasper qui déborde rarement le cadre hip hop/soul/R&B, Christian Scott ne cesse d'en sortir, témoignant ainsi d'une vision plus vaste de la musique populaire qu'il réintroduit dans sa musique, fort intelligemment d'ailleurs.

Ne reste qu'à la caboche de désenfler un tantinet... Le trompettiste n'a que 27 ans, il y a de l'espoir!