Après un premier disque indépendant qui est resté un secret bien gardé, NEeMA est de retour avec un album plus personnel, forte de l'appui de Leonard Cohen, du réalisateur Pierre Marchand et de Sony Canada. La présence du président de Sony, Shane Carter, au lancement de l'album Watching You Think, lundi dernier, n'était pas que symbolique. Quand l'agent de Leonard Cohen lui a envoyé les chansons de NEeMA, Carter a été séduit et les a fait écouter à des proches qui ont partagé son coup de coeur. «Il faut répandre la bonne nouvelle», m'a-t-il dit sur le ton du converti pendant que NEeMa chantait trois chansons devant famille, amis et gens de l'industrie.

Née à Montréal de parents égyptiens aux racines libanaises, Nadine Neema a vite eu la piqûre des voyages qui l'a menée en Europe, en Inde et en Australie. C'est d'ailleurs au pays des kangourous, où elle fréquentait des musiciens, qu'elle a eu envie d'apprendre à jouer de la guitare, elle qui écrivait des poèmes depuis l'enfance.

 

Quand son premier disque (Masi Cho) est paru, en octobre 2006, on y a vu le reflet des préoccupations planétaires d'une jeune femme qui avait fait du travail humanitaire dans des pays exotiques. Watching You Think est l'album d'une artiste arrivée à la mi-trentaine qui chante ses angoisses et ses joies, son obsession du temps et les rendez-vous ratés qui meublent une vie bien remplie, sur des musiques belles et dépouillées qui mettent en valeur la proximité et la fragilité de sa voix.

Mais ne vous méprenez surtout pas sur son compte, NEeMA est une fonceuse. Le fallait bien pour soumettre ses chansons au jugement sûr mais sévère de Leonard Cohen, dont elle a fait la connaissance par hasard dans les rues de Montréal, et pour se pointer sans invitation dans les coulisses du Métropolis après un spectacle de Daniel Lanois, qu'elle voulait absolument rencontrer. C'est là qu'elle a fait la connaissance du réalisateur réputé Pierre Marchand.

NEeMA a réalisé son nouvel album en association avec Cohen et Marchand, ses «deux consultants» à qui elle a soumis des textes, des musiques et des idées de chansons, parfois en personne, souvent par internet. «Leonard a des attentes très élevées, dit-elle. Une fois, il m'a dit: «Je n'entends pas la chanson dans ça, il faut que tu recommences.» Je suis rentrée chez moi tellement déprimée! Mais quand il disait «that's excellent», je savais que j'avais bien travaillé.»

Le poète lui a prodigué beaucoup de conseils sur la musique: l'utilisation des instruments, les arrangements, la voix. Marchand aussi, évidemment: «Je ne savais plus où j'en étais avec la chanson Lost in L.A. et Pierre m'a dit «recommence-la depuis le début; n'essaie pas de l'arranger.» Il m'a beaucoup aidée pour la réalisation et le mixage.'

Watching You Think, dont le titre vient du portrait que Cohen a fait d'elle et qui orne la pochette, est avant tout l'album d'une jeune femme qui a gagné en confiance et qui s'est laissé guider par son intuition en s'entourant d'un petit groupe de collaborateurs plutôt que de prendre en compte les opinions de tout un chacun. Au sujet du ton plus personnel de ses chansons, auxquelles s'intègre tout naturellement la Romeo and Juliet de Dire Straits, elle dit: «C'est peut-être l'influence de Leonard. Quand je lui ai donné mon premier disque, il m'a dit qu'il aurait aimé que ça soit plus personnel. Et j'ai complètement réécrit les couplets de la chanson A Bone To Pick With Time parce que dès la première phrase, il m'a dit «c'est bon, mais je veux entendre ton histoire.» Il m'a forcée à aller plus en profondeur.'

NEeMA, au Musée d'art contemporain, demain à 20h.