Le «Colosse du saxophone» n'était pas venu au Festival de jazz depuis 2005, et malgré ses presque 80 printemps, c'est tout comme s'il avait rajeuni depuis cette dernière fois à la Place des Arts. Solide comme un chêne, le vieux maître s'est amusé comme un jeune fou, entouré de ses quatre excellents musiciens.

«On est désolés pour le retard, c'est qu'il y a un problème de trafic», a d'abord dit le cofondateur du FIJM, André Ménard, avant le concert du grand Rollins. Dans la salle Wilfrid-Pelletier, on s'impatientait un peu en attendant le saxophoniste, qui n'a eu qu'une vingtaine de minutes de retard à l'horaire.

 

Prestement, il a accepté des mains du cofondateur le prix Miles-Davis, devenant ainsi le 17e lauréat, un an après qu'on l'eut remis à un autre grand du saxophone, Ornette Coleman. «Merci beaucoup!» a simplement lancé le musicien.

Flamboyant, M. Rollins, avec sa crinière et sa barbe blanche, ses lunettes fumées et son ample chemise rouge pompier qui lui donne des airs de père Noël cool. Et pas du genre à tergiverser. Le trophée Miles-Davis est resté sur la petite table alors qu'il s'avançait d'un pas lent vers ses musiciens - basse électrique, guitare électrique, batterie, percussions - pour démarrer le concert par un be-bop des plus énergiques.

Quel âge, déjà, sir Rollins? Quatre-vingts ans, vraiment? Quel souffle! Les notes qu'il soutient, le jeu fluide et encore précis, l'imagination toujours aussi débordante du génie... Si, l'année dernière, Coleman jouait solidement malgré ses airs fragiles, hier soir, son collègue n'a pas une seule fois demandé le tabouret pour faire une pause. Il dansait devant nous, battait la mesure d'une main en agrippant le sax de l'autre.

Après une quinzaine de minutes frénétiques, un morceau plus calme - était-ce bien la douce My One and Only Love? On déguste les solos, d'autant plus qu'à la guitare électrique, l'impeccable Russell Malone assure (il était de la série Guitarissimo l'an dernier, à la Cinquième Salle de la Place des Arts).

Sonny Rollins dialogue ensuite avec son bassiste, bel échange tout en nuances et en mélodies, avant que le maître ne s'emporte pour la finale, malaxant avec inventivité et spontanéité des thèmes connus qui lui passent par la tête.

Ensuite, on se dirige vers le calypso dont le saxophoniste s'était beaucoup inspiré - on pense évidemment au classique St.Thomas, que Malone citera pendant son solo. La section rythmique y est diablement efficace, ça enflamme Sonny Rollins qui, la tête penchée vers l'arrière, esquisse quelques pas de danse. De ce genre de moments à vous fendre un sourire, il y en a eu pendant toute la soirée.

Vivifiante performance du grand saxophoniste, un plaisir décuplé par la qualité de son orchestre. À une dame lui criant «We love you, Sonny!», il a répliqué: «All right then, I'll be back!» Il aura sans doute encore rajeuni à ce moment-là.