Bien vivante, la chanson francophone se transforme et emprunte différents accents: le franglais des Dead Obies, le «parlé» régional des Hay Babies, la langue bien pendue de Keith Kouna, le langage du peuple de Fabien Cloutier ou la langue d'aujourd'hui des Soeurs Boulay. À l'occasion du Coup de coeur francophone, du 7 au 17 novembre, La Presse a demandé à ces artistes de nous parler de leur vision du français.

HAY BABIES

La langue régionale

Extrait de Chus pas une femme à marier

M'en vas me coucher tôt / Je manque du sommeil

Je ferme la TV / C'est rien qu' d'la junk anyway

Je vas lire un livre, me perdre dans ses histoires pour m'faire des accroires / 

J'arrête de boire demain.

Julie Aubé: «Je ne peux pas parler pour les deux autres filles, mais moi, j'utilise mon parler régional même si nous ne venons pas toutes de la même place. J'écris des textes personnels et très simples comme la musique folk et country. Si je faisais des trucs engagés et travaillés, je ne pourrais pas, mais je parle de façon terre à terre. En fait, je parle comme si je parlais à un ami.»

> Les Hay Babies se produiront le 2 novembre, 20 h 30, au Lion d'or.

KEITH KOUNA

Une image vaut mille mots

Extrait de Bastiscan

Pôpa je l'sais pas si tu veilles / 

Pis je l'sais pas si tu m'entends /

Disons qu'à soir j'ai le coeur dans' bouteille /

Pis le motton qui passe pas franc

«Quand j'écris, je cherche la sonorité et le rythme. Je n'ai souvent aucune idée du sujet de la chanson. Je fais des essais, je crache du jus, j'improvise jusqu'à ce que je tombe sur quelque chose qui m'allume et qui me donne envie de creuser. Je fais pas mal de l'écriture automatique. Je pense que la langue doit danser avant d'expliquer, que l'image a plus d'impact que le sens de prime abord, que ce soit sur le plan de l'émotion ou de la réflexion. Le but est de provoquer du mouvement chez l'auditeur, de le faire voyager et de lui laisser ses propres interprétations.»

> Keith Kouna se produira le 12 novembre à La Tulipe avec Fabien Cloutier en première partie.

FABIEN CLOUTIER

Je pense, donc je dis

Extrait de Scotstown

Tu verras pas un noir se plaindre à cause de notre bouffe /

Ça eu assez faim, ça mange ce qu'il a su'a table /

Quand y arrive icitte, il parle en bamboula un peu, c'est sûr /

Mais c'est pas long qu'il sacre eux autres itou /

Pis qui ont envie d'aller à la Poule aux oeufs d'or comme tout le monde

«Je crois à une langue qui ne s'enfarge pas dans les fleurs du tapis. Une langue qui a la rythmique d'une pensée qui avance. Elle est imparfaite parce qu'elle doit sortir ici et maintenant. Sans filtre. On associe encore parfois l'intelligence d'un discours à la propreté des mots qui le font. On élit des images sur deux pattes et les monsieurs-sonnent-creux ont appris à préfabriquer des phrases qui fittent parfaitement entre le regardage des émissions des princes de la mélamine et une pub de crème qui fait déplisser le cul. Une langue qui pète la yeule à la bêtise, le sourire aux lèvres.»

> Le dramaturge et comédien solo Fabien Cloutier montera sur les planches de La Tulipe en première partie de Keith Kouna, le 12 novembre.

LES SOEURS BOULAY 

Refléter son époque

Extrait de Ôte-moi mon linge

Ôte-moi mon linge

Beau sans-dessein

Mais maudit beau sans-dessein

«Nous, on a envie que notre identité québécoise shine dans notre musique. Oui, on chante en français, mais on chante surtout en québécois, et nos textes sont remplis d'expressions propres à ici, parce que c'est ça qu'on trouve beau, c'est ça qui nous touche dans le fond du coeur. On a joué en France cet été et ils ne comprenaient rien, il fallait tout expliquer, mais c'était très correct comme ça. On a tellement écouté Richard Desjardins et Avec pas d'casque, par exemple, et leurs chansons sont tellement des paradoxes de poésie, d'images riches, de langue enracinée, de mots qui clashent, qui tranchent, qui donnent le mot juste sur l'image la plus ressentie et vraie... C'est ça qui nous donne les frissons, c'est ça qui nous inspire.»

> Les soeurs Boulay se produiront au Club Soda le 7 novembre.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Keith Kouna

DEAD OBIES

Converser avec le public

Extrait de Pièces maîtresse

J'fais juste lever ma pabst à toute mes dead-o-cats /

Statché dans tous les sous-sols du Québec /

Mad respect 'fellas, yes fais-le /

Prends ta part du cak just get it

Reste solide, reste real

«Le rap est un descendant direct de la musique populaire afro-américaine. Il partage donc plusieurs valeurs avec toute la tradition folk/blues américaine. On fait du rap, donc, comme on parle, puisque le rap est une musique du peuple. Notre intention est de créer des chansons qui connectent avec notre époque, probablement grâce à ce même souci d'authenticité du discours populaire qui a poussé certains auteurs et cinéastes québécois à remplacer le français normatif par le joual à une époque où il fallait prendre un accent pour être entendu. Enfin, on évolue au sein d'un groupe métissé de la même façon que l'on vit en société, en gardant le focus sur ce qui nous rassemble plutôt que sur ce qui nous divise. Et ça fonctionne.» - MC Yes Mccan

> Dead Obies se produit au Cabaret du Mile End le 13 novembre.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Dead Obies