Consacré par le cinéma français après avoir remporté un César pour la bande originale de l'excellent film 120 battements par minute, signé Robin Campillo, le compositeur et performer électronique Arnaud Rebotini est assurément LA grosse prise du 20e festival MEG Montréal, qui s'amorce demain et se conclut dimanche.

Force est d'observer que ce festival de musique électronique célèbre à la fois ses deux décennies d'existence et un nouveau partenariat avec Piknic Électronik qui s'annonce permanent: pour le week-end de la fête du Travail, MEG Montréal devient en quelque sorte le prolongement nocturne du Piknic, qui offre trois jours de programmation (samedi, dimanche, lundi).

D'Arnaud Rebotini, dont la carrure de la charpente et la chevelure gominée surplombent une imposante lutherie de synthés, on peut dire que sa carrière a sensiblement le même âge que MEG Montréal, pour lequel les accointances franco-québécoises constituent la marque essentielle. Plus précisément, le musicien de 48 ans est connu en Europe depuis la fin des années 90 alors qu'il fondait Black Strobe avec Ivan Smagghe.

Une décennie plus tard, Rebotini lançait l'album solo Music Components sous étiquette Citizen Records, enregistrement de confection analogique, chaudement applaudi à sa sortie. Depuis lors, les concerts électroniques de ce musicien respecté ont conservé cette particularité.

«Je travaille avec de vieux synthés et boîtes à rythmes du début des années 80, comme le Prophet Pro One, le Roland Juno-60, le Roland SH-101, le Roland TB-303 ou le Roland TR-808. J'aime toujours jouer avec ces machines, d'autant plus que les modules d'extension qui les évoquent n'arrivent pas à bien en reproduire les sonorités.»

«Ces machines ont fait l'histoire de la musique électronique, c'est un peu un concept pour moi que de tout faire avec elles. Le spectacle de Montréal sera donc assez techno, assez électro et... exécuté sans ordinateur», annonce le musicien joint en France avant la grande traversée.

Sans ambages, Arnaud Rebotini affirme se sentir plus à l'aise avec ces claviers pour exécuter les pièces de son cru ou encore y greffer des éléments inédits devant public.

«Les interprétations comportent une base de mes morceaux écrits tirés de mes albums ou maxis, pas mal de morceaux inédits aussi. À travers ces structures, je me permets pas mal d'improvisation - modulations, courts solos, nouveaux chorus dans les transitions, etc. Il y a des moments uniques dans chaque concert, mais le programme général reste le même. Et non, je ne suis pas nostalgique, même si j'ai l'âge de le devenir. Je n'essaie pas de reproduire une époque.»

Qui plus est, il dit beaucoup apprécier l'acte de communication de sa musique sur scène: 

«J'aime ce moment libérateur. En studio, je peux passer des heures et des heures sur des détails infimes, alors qu'en live, il y a quelque chose de frais et spontané. Je ne suis pas puriste du dance floor en ce sens, j'y essaie d'être moi-même, c'est-à-dire au-delà des courants musicaux qui m'ont construit. Ainsi, je suis attiré par des musiques populaires souvent américaines, mais je tends à les transformer en pièces un peu plus savantes, sans prétendre pour autant être un compositeur savant.»

On peut d'ailleurs observer cette même propension dans les fréquentations artistiques d'Arnaud Rebotini, on pense au compositeur électroacoustique Christian Zanési, au saxophoniste/claviériste et ingénieur du son Étienne Jaumet, ou encore au DJ/producteur techno Michel Amato, dit The Hacker.

On peut aussi l'observer à travers les bandes originales qu'il a conçues pour le réalisateur Robin Campillo - Eastern Boys et 120 battements par minute.

«Robin connaît très bien ma discographie, ses indications de couleurs et de références sonores sont assez précises lorsque je travaille avec lui. Il peut ensuite reprendre mon travail et l'intégrer à sa façon.»

S'il ne prévoit pas reprendre d'extraits de cette bande originale pendant son set montréalais, il compte en interpréter bientôt la matière avec les instrumentistes recrutés pour l'enregistrement. «Ils venaient dans mon studio pour jouer mes partitions, un travail un peu comparable à de la musique de chambre. En avril prochain, nous jouerons tous ensemble cette musique sur scène, soit à la Philharmonie de Paris.»

Est-il besoin d'ajouter que la composition de musiques de film a gagné en importance dans la démarche d'Arnaud Rebotini?

«J'ai envie de développer ce volet, d'autant plus qu'il me semble toujours intéressant de faire des rencontres avec des artistes issus d'une autre pratique que la mienne. Par exemple, je viens de signer la BO d'un film réalisé par Bettina Oberli, Le vent tourne. J'ai aussi composé la musique d'un spectacle de danse, Fix Me, du chorégraphe Alban Richard. Un album studio est aussi en chantier.»

En ce qui nous concerne? La primauté du cinéma pour l'oreille, façon Arnaud Rebotini. Gominé, baraqué, inspiré... avec synthés.

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À la SAT, vendredi soir, dans le cadre de MEG Montréal.

Trois spectacles à voir au MEG

Galcid - Vendredi, à la SAT

Hertz, premier album de cette artiste japonaise, a été rendu public sous étiquette Detroit Underground. Excellent! Galcid est le projet solo de Lena, réalisé sous la supervision de Hisashi Saito, grand maître des synthétiseurs modulaires. La Japonaise s'est ensuite illustrée au Boiler Room - Tokyo, dans le contexte du Tokyo Dance Music Event. Depuis l'an dernier, Galcid a tourné en Occident et s'affirme de plus en plus comme une performer cruciale de la scène nippone, mise de l'avant dans plusieurs festivals là-bas (dont Mutek Japon) et très prisée par la presse spécialisée. En décembre dernier, elle était parmi les têtes d'affiche du 20e Future Mix chinois de Shenzhen. À notre tour!

Étienne de Crécy - Samedi, à la SAT

Parmi les artistes fondateurs de la French touch, fameux courant français ayant irradié les années 90, le DJ et réalisateur Étienne de Crécy est aujourd'hui considéré comme un classique de l'Hexagone sur toute la planète électro. Ses collaborations originelles avec Philippe Zdar (avant qu'il ne se produise sous le pseudonyme Cassius), les labels Motorbass (pour lequel il avait enregistré l'album Pansoul en 1995) et Solid (son étiquette, sous laquelle on trouve la compilation-concept Super Discount), ont fait école. De ce pilier de l'électro française, on retient aussi les opus Tempovision (2000), Superdiscount 2 (2003) et 3 (2015). Sur scène, Étienne de Crécy a fait sa marque avec le fameux Cube, dispositif lumineux et musical. Les retrouvailles montréalaises s'annoncent torrides!

The Avener - Dimanche, à la SAT

Musicien éduqué, pianiste biberonné au jazz et à la musique classique, The Avener est surtout un DJ, réalisateur et remixeur de haute volée. On lui doit notamment le single  Fade Out Lines, véritable succès international en 2014, ainsi que l'album The Wanderings of the Avener, sorti en 2015 de multiples intégrations d'artistes de souches stylistiques aussi différentes que Kadebostany, John Lee Hooker, Adam Cohen, Mazzy Star, Ane Brun ou Sixto Rodriguez. Cet éclectisme de très bon goût s'inscrit également dans une esthétique électro, notamment la deep house que l'artiste français affectionne particulièrement. Ainsi donc, The Avener nous convie à un rendez-vous croisé entre pop et électro, bien au-delà des étiquettes.

photo fournie par MEG Montréal

Galcid