Le Français Olivier de Sagazan présente au festival Phénomena sa performance Transfiguration, un spectacle dérangeant, fascinant, inclassable. À l'image de ce cabinet des curiosités qu'est le festival dirigé par D. Kimm.

Olivier de Sagazan est peintre et sculpteur. Ses matériaux: argile, peinture, eau, pinceaux, poils de chanvre... Sa toile: son visage et son corps.

Sa performance Transfiguration peut paraître mystérieuse, voire effrayante. Mais comme chez tout plasticien, c'est d'abord et avant tout une recherche de formes. Avec l'homme de théâtre Antonin Artaud en maître à penser, entre cruauté et beauté.

«Dans un désir d'entrer dans mon oeuvre, je suis entré sous ma peinture. Dans l'idée d'annexer une forme et de la vivre, cela m'a fait passer aux arts vivants», dit-il en entrevue.

Olivier de Sagazan ne pourrait pas se «défigurer» pendant 40 minutes s'il n'avait pas les yeux fermés. C'est comme ça, de toute façon, qu'il «voit» mieux.

«La première fois que j'ai vu le visuel de cette performance en atelier, je me suis dit: "Nom d'un chien, voilà 20 ans que je peins, mais, en aveugle, c'est quasiment plus intéressant."»

«En aveugle, je suis comme un chien fou qui a senti une odeur de forme et qui gratte pour la trouver. C'est de l'ordre de l'inconscient et de plein de choses qui nous dépassent.»

L'artiste, qui a fait des études en biologie, dit les poursuivre ainsi. «Je cherche à comprendre la vie. Qu'est-ce que veut dire être en vie ? Qu'est-ce qu'un visage?»

Défiguration

Chaque visage, chaque performance sont donc uniques. La scène est un peu son laboratoire. Il mène une recherche en direct sur la «défiguration» en art.

«On peut le voir au premier niveau : éprouver du plaisir en voyant une personne défigurée. Ce serait un contresens. C'est plutôt le fait de recomposer avec le réel pour le redynamiser. C'est l'inverse d'une démarche morbide. Nous visons une sorte d'hallucination collective. À force de voir des visages, il y a une habituation, mais on oublie l'énigme que représente un visage.»

Ses transfigurations sont surprenantes, amusantes. Peur et rires, fantastique et grotesque mêlés. L'un des buts de la performance est de montrer le processus de création - «ma manipulation de l'argile montre à voir un tableau ou une sculpture en création» - et l'autre, plus inconscient, est de puiser sa part d'animal en lui.

«Il y a un désir de se dépasser, d'être en transe, de lâcher prise. Quand on est dans un état de déstabilisation, c'est le sensible qui ressort, l'instinct. Et là, de nouvelles formes peuvent apparaître. L'idée de la cruauté d'Artaud, c'est de faire remonter la vie sur scène.»

Fantastique

Olivier de Sagazan ne cherche pas à horrifier le spectateur, mais à faire émerger un univers fantastique à la Edgar Allan Poe. Il est le peintre aux yeux fermés devant une toile blanche, sans idées toutes faites.

«Il faut une grande sensibilité à la présence à soi et sentir le public aussi. Je perds la vue, mais je la donne au public.»

«La performance n'a de sens que devant un public auquel je suis très attentif. Il y a un plaisir par moments à produire du silence. C'est une des plus belles choses qui soient.»

Dans le spectacle, la violence de certaines «défigurations» fait peu à peu place à la douceur. On entend le Stabat Mater de Vivaldi vers la fin de la performance, ce qui produit «un contraste dialectique surprenant entre cette musique spirituelle fantastique et le Quasimodo exténué que je suis. C'est un contraste entre la pesanteur et la grâce».

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Transfiguration d'Olivier de Sagazan est présentée à la Sala Rossa le 16 octobre à 20 h, dans le cadre de Phénomena. Le performeur donnera une conférence au même endroit le lendemain à midi.

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