Philippe Brach a ouvert le 12e Festival de musique émergente, jeudi après-midi, avec un mini-concert «impromptu» dans le centre-ville de Rouyn. En «pieds de bas» sur le ciment, seul avec sa Guild Starfire 1972, 20 ans plus vieille que lui et qu'il a acquise par l'entremise du «pusher de guitares» de Steve Hill. Philippe Brach - prononcé Brack - fait déjà partie des gros réseaux...

«On va faire ça super relax», a lancé le petit blond à la chaussette noire à la centaine de personnes qui avaient eu accès au seul terrain vacant de la rue Principale en montrant leur carte de guichet Desjardins - aucune question sur le solde -, l'un des nombreux commanditaires du FME qui marque résolument la fin de l'été en Abitibi-Témiscamingue avec 65 prestations dont 35 gratuites.

Hier, Brach a joué en trio (David Couture, Pierre-Olivier Gagnon) dans l'un des cinq «5 à 7» quotidiens du FME. Dans les autres bars, les habitués et les festivaliers ont pu applaudir Antoine Corriveau, Dan Thouin avec son Organ Trio, les Hay Babies et Ludovic Alarie, tous arrivés à différents degrés d'émergence sur la scène québécoise.

«Émergent? Je ne sais pas... C'est votre job, à des gars comme toi, de nous dire ça...» Mardi dernier, chose certaine, Philippe Brach a dû «émerger» plus tôt que d'habitude parce qu'il donnait, à 11h30 du mat', le premier show de la rentrée du cégep du Vieux Montréal où nous l'avons rencontré après le sound check, dans le brouhaha de la cafétéria. «Ouais, mes affaires vont bien... Je me fais même des soupers deux services, des fois! J'ai donné une centaine de shows depuis la sortie de mon disque. On roule...»

Le CD s'intitule La foire et l'ordre, deux pôles entre lesquels le jeune homme émerge dans les suraiguës, avec cette urgence de dire qui prime toutes les autres considérations de sa jeune vie et de sa jeune carrière. Dire la défonce (Gaston), l'amour toujours fuyant (Le matin des raisons), la rage de vivre: «Mettez-moé pas en tabarnak/J'pourrais changer d'track.» Toujours une petite brique dans la mare.

Philippe Brach passe un bel été, actif, écartillé. Il en est à son deuxième voyage en Abitibi en moins d'un mois. Fin juillet, il a chanté au FRIMAT de Val-d'Or, le Festival de la relève indépendante musicale d'Abitibi-Témiscamingue: «C'était malade! Le monde était crinqué. Ça criait «Le Québec, un pays!»«

C'était plus tranquille le week-end dernier aux Rencontres de création de Natashquan où, entouré de 25 autres créateurs de toutes disciplines, il a travaillé aux chansons de son deuxième disque. Qu'il annonce d'emblée «plus assis, plus acoustique, plus relax, avec moins d'alcool et moins de drogues dedans».

Mais, ajoutera vite Philippe Brach, «toujours avec un peu de folie». De la folie émergente, bien sûr...

Une entente historique

Entre-temps, Rouyn-Noranda profite de sa folie musicale annuelle avec le FME, où grouille un public plus jeune, moins tranquille qu'au festival Guitares du monde auquel nous avons assisté en mai. «Des festivals complémentaires», disent les organisateurs, différents dans leur déploiement aussi.

Jeudi soir, pendant que David Giguère, Jimmy Hunt et Philippe B. se produisaient à l'Agora des arts, une ancienne église, quelque 2000 personnes avaient payé 10$ (5$ pour les étudiants) pour entrer sur le site extérieur du quartier Noranda pour la soirée d'ouverture du FME, animée de belle façon par Rich Aucoin, un super-performer de Halifax, et Koriass, fort en géométrie sociale: «Prends la sortie St-Eustache/Et tant pis pour le cash.»

Avant le spectacle, nous avons vu dans la 7e Rue la plus longue file d'attente de l'histoire pour un méchoui, le plat étant inclus dans le prix d'entrée. Beau concept.

Dans la foule, une centaine d'Européens, directeurs de festivals membres de l'association De concert (31 festivals) qui, pour la deuxième fois, tient sa rencontre annuelle à Rouyn-Noranda, dans le cadre du FME, seul membre nord-américain du regroupement.

En escale à Montréal mercredi, les gens de De concert (deconcert.org) ont été reçus par le Regroupement d'événements majeurs internationaux où l'on retrouve 30 des plus importants festivals du Québec (remi.qc.ca). À la suite de rencontres mises sur pied par Sandy Boutin, cofondateur du FME, De concert et le RÉMI ont signé une entente de partenariat qui amènera les deux groupes à «partager de l'information stratégique, notamment en ce qui a trait au financement public de leurs membres et à leurs meilleures pratiques d'affaires».

Dans son allocution, Martin Roy, PDG du RÉMI, n'a pas fait cachette de la mission première des nouveaux partenaires: «Dans le contexte d'austérité qu'on connaît ici et chez vous, les gouvernements ont tendance à voir notre industrie comme source d'économies potentielles, alors que nous savons bien figurer dans la colonne des revenus.»

Discours connu ici. Reste à voir où peuvent se rencontrer ces deux mondes où la culture, l'art et l'économie convergent en des équilibres bien différents.