Les FrancoFolies, qui s'ouvrent jeudi, ont mis «les petits plats dans les grands» pour fêter une 30e édition sur laquelle planeront aussi l'ombre de leur fondateur, Jean-Louis Foulquier, disparu cette année, et celle des intermittents.

Devenues en 30 ans le symbole de la chanson française dans toute sa variété, les «Francos» sont nées en 1985 d'un rêve d'enfance de leur fondateur.

Natif de La Rochelle, Jean-Louis Foulquier prolongeait ainsi naturellement sa passion pour la chanson et la découverte de nouveaux talents, qu'il exprimait sur les ondes avec Pollen, Saltimbanque ou Les copains d'abord.

Il y a dix ans, il avait choisi de céder les rênes du festival. Mais chaque été, on continuait de le croiser dans les rues de la ville, attablé aux terrasses de restaurants avec des artistes.

Si beaucoup le savaient malade, l'annonce de sa mort, en décembre dernier, à l'âge de 70 ans, a laissé nombre d'entre eux orphelins.

«Je me suis rendu compte à quel point Foulquier était un artiste aimé des artistes. Tous ceux qu'on a contactés pour lui rendre hommage ont accepté et on a dû en refuser. Beaucoup m'ont dit vouloir venir plus pour Foulquier que pour les 30 ans», témoigne le patron actuel des FrancoFolies, Gérard Pont.

La grande soirée d'ouverture, jeudi, sera donc un double hommage à l'histoire du festival et à son fondateur.

Sur scène, une quarantaine d'artistes viendront interpréter une chanson par année d'existence du festival, seuls ou en duos.

La liste des participants est prestigieuse mais se veut surtout une réunion de «copains».

«Il y aura les amis de Foulquier: Higelin, Lavilliers, Thiéfaine, ceux qui ont marqué l'histoire du festival comme Véronique Sanson, Souchon, Voulzy ou Catherine Lara, qui y a joué un concert mythique sous la pluie et le vent, et puis la jeune génération: Zaz, Julien Doré, Vincent Delerm...», égrène Gérard Pont.

Dans le rôle de Monsieur Loyal, le festival accueillera un invité inattendu: l'acteur Omar Sy.

Dernière édition de Gérard Pont

«On a su qu'il aimait la chanson et les FrancoFolies et il a été partant tout de suite. Toute la soirée, il va chercher quelqu'un pour faire un duo avec lui et va essuyer refus sur refus», dévoile M. Pont.

Le reste de la programmation, jusqu'au 14 juillet, reflète cet équilibre entre nouveaux talents (42 y joueront pour la première fois), têtes d'affiches et - plus que d'habitude - «anciens» entrés au patrimoine de la chanson française.

Michel Jonasz, Anne Sylvestre, Les Innocents, William Sheller, Charlélie Couture, Dick Annegarn, Nicolas Peyrac croisent sur l'affiche les incontournables de l'été que sont Détroit, Fauve, Shaka Ponk et Stromae (en clôture le 14).

«Les programmateurs ont tendance à être focalisés sur les jeunes talents ou sur les artistes qui font la Une. On voulait un peu rééquilibrer les choses, ce n'est pas lié aux 30 ans, mais je trouve que ça tombe bien», souligne Gérard Pont.

Celui-ci a d'ores et déjà annoncé que cette édition 2014 serait sa dernière à la tête du festival, dont il restera le président et un des propriétaires.

Accueilli avec suspicion, voire hostilité, il y a dix ans car venu du monde de la production télévisuelle, il a su préserver l'identité des «Francos» tout en leur assurant un large succès populaire, avec 83 000 spectateurs payants l'année dernière.

Une équipe devrait lui succèder après une période «transitoire», a-t-il indiqué à l'AFP.

Reste une dernière inconnue à quelques jours de l'ouverture: la façon dont s'y inviteront les intermittents.

Le spectre d'une annulation, comme en 2003, est écarté et les FrancoFolies, qui affichent leur soutien aux intermittents, ont prévu de leur laisser des espaces d'expression. Mais la CGT-Spectcale appelle à une grève massive au niveau national le 12 juillet.

«Les Francos sont restées fidèles à l'esprit de Foulquier»

Le directeur des FrancoFolies estime être resté «fidèle» à l'esprit du fondateur, Jean-Louis Foulquier, dit-il à l'AFP.

QUESTION: Cette 30e édition sera votre dernière. Quel bilan tirez-vous des dix ans passés à la direction des Francos?

REPONSE: «C'était génial, ça a changé nos vies. Je crois qu'on est resté fidèle aux FrancoFolies de Jean-Louis Foulquier. J'ai essayé de faire ce que lui aurait fait, je pense que j'ai peut-être été moins audacieux que lui.

Je suis content d'avoir fait remonter Yves Simon sur scène, d'avoir reformé Malicorne. Je suis fier que tous les professionnels viennent aujourd'hui au Chantier (le dispositif de formation à la scène du festival, ndlr) pour repérer des artistes et que 90% de ceux qui y soient passés vivent de leur métier. Zaz, Rover, L, Christine & the Queens... reconnaissent qu'on a été une étincelle dans leur histoire.

Je suis heureux d'avoir développé Francos Educ (action pédagogique dans les écoles, ndlr), parce que la chanson est d'une certaine manière menacée et qu'il faut éduquer les enfants à cet art. C'est du travail de l'ombre, mais c'est aussi ça notre boulot».

Q: Quel est votre plus beau souvenir?

R: «Le plus fort, c'est la fin de la première année, quand je me suis dit: «On l'a fait!». C'était un soulagement car quand on a repris les Francos, il y avait beaucoup d'hostilité à notre encontre parce qu'on venait de la télévision. C'était un peu la Star Ac' qui rachetait les Francos, l'argent qui rachetait le spectacle vivant».

Q: A qui allez-vous passer la main?

R: «Je pense que ça va être transitoire, car j'avais une personne en tête, mais ça ne marche pas. De toute façon, je pense que l'époque n'est plus aux Foulquier, aux Daniel Colling (l'emblématique patron du Printemps de Bourges qui passe lui aussi la main, ndlr) qui portaient un festival. Aujourd'hui, il faut une équipe qui puisse à la fois avoir l'approche artistique et économique de la chose, car ce n'est pas de l'argent public, c'est nous qui portons les déficits. Après, il faut surtout trouver quelqu'un qui ait une vision sur dix ans. Quand je suis arrivé, j'avais un projet sur dix ans, je l'ai écrit, je l'ai réalisé et aujourd'hui je n'en ai pas pour les dix ans à venir. Le festival peut très bien vivre sans projet, mais s'il ronronne, il risque de seulement subsister».