Le festival Petits Bonheurs a hissé ses voiles le week-end dernier pour une 10e année. Au programme cette semaine: près d'une vingtaine de spectacles de théâtre et de danse d'ici, de France, de Belgique ou d'Espagne. Sans oublier la quarantaine d'ateliers d'initiation aux arts: musique, conte, théâtre, cirque et tutti quanti...

On en parle assez peu vu la qualité de la programmation, mais ce festival destiné aux enfants de moins de 6 ans, fondé par Pierre Larivière en 2004, a d'abord et avant tout une mission sociale: celle d'initier les tout-petits à l'art, en particulier ceux issus de quartiers défavorisés, où la «culture» n'est pas une priorité...

Depuis ses débuts, Petits Bonheurs a pu rejoindre cette clientèle grâce au programme «L'école montréalaise pour tous». Chaque année, environ 4000 enfants assistent gratuitement à un spectacle. Souvent pour la première fois. Le ministère de l'Éducation fait l'achat de près de 80% des billets de spectacles.

«C'est l'épine dorsale de notre festival, confie Pierre Larivière. Ce programme nous permet de rejoindre exactement le public que nous visons, c'est-à-dire des jeunes issus des quartiers défavorisés. Au fond, ce sont ces valeurs d'accessibilité qui sont à l'origine de ce festival des arts de la scène pour enfants.»

Passer par les parents

Parallèlement à ces spectacles et ateliers, Petits Bonheurs offre - depuis 2007 - des ateliers de médiation culturelle à cette même clientèle, mais en passant par les organismes du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Karine Cloutier est l'une de ses artisanes. Elle offre notamment des ateliers de danse mamans-bébés.

La comédienne Marie Eykel (Passe-Partout pour la génération Y) fait elle aussi de la médiation culturelle avec Petits Bonheurs. Pas de doute dans son esprit, pour rejoindre les enfants, il faut passer par les parents.

«Je travaille particulièrement avec les mères, qui sont souvent, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, des mères monoparentales ou avec des conjoints semi-absents ou changeants, et je me suis rendu compte que les enfants issus de ces milieux, avec des mamans dévalorisées et déprimées, avaient les ailes coupées...»

Marie Eykel a mis sur pied un programme d'initiation aux arts baptisé «Le pouvoir de l'art». «C'est une série de huit ateliers où j'invite différents artistes, qui sont des médiateurs culturels. Ils leur font découvrir différentes formes d'arts, explique-t-elle. Ça leur permet aussi d'identifier les disciplines qui les touchent.»

Parmi les intervenants, on retrouve le chorégraphe Jean Léger, l'artiste visuel Sylvie Gosselin, qui fait des sculptures à partir de matériaux recyclés, et la comédienne Catherine Dajczman, qui donne des ateliers de djembé (percussion africaine). Autant d'ateliers qui participent à cet exercice de pollinisation culturelle.

Parler de soi

Marie Eykel continue de s'émerveiller de la transformation de ces femmes qui, pour la première fois de leur vie, créent quelque chose. «Dans l'atelier d'art visuel, par exemple, ils créent des personnages extraordinaires, qui ont des significations. On se rend compte qu'à travers l'art on parle toujours de soi.»

Comment ces interventions finissent-elles par porter leurs fruits? «Les mères qui suivent ces ateliers terminent la session, je crois, avec le sentiment d'avoir une valeur, indique Marie Eykel. L'estime de soi est améliorée, elles sont plus curieuses, elles peuvent aller à la Maison de la culture avec leurs enfants, elles en connaissent les codes...»

Y a-t-il un effet miroir auprès des enfants de ces mamans? «Les intervenants sociaux nous disent qu'il y a un lien direct avec l'intérêt des enfants pour les arts. Tout à coup les mères parlent de ce qu'elles font, ça crée un dialogue entre eux et leurs enfants. Au mois de mai, elles inscrivent leurs enfants aux ateliers offerts par Petits Bonheurs...»