En prêtant sa voix qu'on aime tant aux écrivains Aimé Césaire, Édouard Glissant, René Depestre ou Dany Laferrière, Arthur H. veut nous plonger par les mots et la musique au coeur de l'âme noire, dans un spectacle qu'il n'a présenté qu'une fois en France, et qu'il nous offre au Festival international de la littérature. Avant que L'or noir, qu'il livre en compagnie du musicien Nicolas Repac, ne fasse l'objet d'une tournée et d'un disque.

Q Vous avez eu l'idée de ce spectacle après une lecture en hommage à Édouard Glissant?

R Oui. C'était imprévu, j'ai remplacé un comédien au dernier moment. C'était une soirée hommage en sa présence, et je me suis retrouvé à lire Cahier d'un retour au pays natal d'Aimé Césaire, que je trouvais au premier abord très difficile à dire. Je ne suis pas comédien. Le jour même, j'errais dans les couloirs, et je suis entré dans une façon de le dire très rythmique, très musicale, comme si je faisais de la musique, sans faire de slam ou de rap, mais en me concentrant sur le son, le rythme des mots et puis ç'a marché, pour moi c'était fluide. Apparemment, cela a vraiment touché Édouard Glissant.

Q Qu'est-ce que vous appréciez de ce texte fondateur d'Aimé Césaire?

R Premièrement, je dirais la beauté du texte, le lyrisme. Et puis après, malgré tout l'aspect historique et politique, le fait qu'il y ait beaucoup d'intimité, des choses qui sont vraiment sans âge et sans couleur. Il y a des moments où ça parle de la noblesse humaine, à la fois très simples et très éblouissants. C'est ça qui me touche.

Q À l'adolescence, vous avez fait un voyage de quelques mois dans les Antilles. Racontez-moi les souvenirs de ce voyage.

R J'avais 15 ans, je suis parti en vacances avec mon père (Jacques Higelin). J'étais alors dans un contexte parisien, j'écoutais de la «coldwave», absolument déprimé, très solitaire. J'étais vraiment l'adolescent autiste! Je lisais Artaud, ce qui ne m'aidait pas trop à communiquer avec les autres. Et tout à coup je suis arrivé dans ce monde, j'ai découvert la couleur, le sexe, le rhum.

On m'a donné des champignons hallucinogènes deux fois... C'était un tel choc métaphysique que j'ai décidé par moi-même de rester. Non seulement de rester, mais j'ai fugué.

Q Vous avez fugué?

R Oui, je me suis enfui, je me suis caché. Mon père se disait que j'allais sûrement revenir dans son bateau. Il était avec Coluche, et Coluche lui a dit: «On a tous fait ça, laisse-le tranquille.» Grâce à Coluche, j'ai pu faire mon voyage spirituel. Je suis resté quatre mois dans un village de la Guadeloupe. J'ai vraiment des souvenirs merveilleux. C'est un acte fondateur pour moi.

Q Vous avez dit que «la poésie noire est un miroir précieux qui me recentre et me reconnecte». Pourquoi?

R Je me sens totalement multiidentitaire au fond de moi. À l'extérieur, j'accepte totalement le fait d'être Français, d'être d'un certain milieu socioculturel. Mais intérieurement, je me sens beaucoup plus libre que ça. Je me sens connecté à certaines cultures de manière très intime et très forte. Ce n'est vraiment pas cérébral, mais sensitif, émotionnel et spirituel, donc ça me nourrit intérieurement, et j'en ai vraiment besoin, parce que tout à coup, j'ai l'impression de me connecter à une part de moi-même à laquelle je ne peux pas me connecter dans ma propre culture.

Q Comment avez-vous sélectionné les textes de ce spectacle?

R Tout simplement ceux qui racontent une histoire et qui génèrent des images vers un véritable espace dans l'imaginaire. Pour que les gens aient l'impression d'entrer dans une espèce de grand conte très mystérieux, et donner une impression de voyage. Au début, ça parle de la terre, l'esprit de la terre; après, on passe par la mort, dans une espèce de descente aux enfers, et ça finit par des poèmes sur l'amour, dans une renaissance, une redécouverte de l'innocence.

Q L'or noir, c'est un beau titre, qui renvoie à la richesse de la culture noire.

R Je pense que dans l'âme noire, il y a une richesse invraisemblable, une sensibilité magnifique, étincelante. Je ne suis pas expert en sensibilité noire, je fais cela de manière vraiment naturelle et spontanée. On me demande juste de ressentir cet imaginaire, de le toucher avec ma peau, ma voix, mon sens musical.

Q Vous comptez rester un bout de temps au Québec?

R Oui, pour la fête de la sortie du disque Baba Love, et puis je reviendrai en février ou en mars pour le concert. Je me sens chez moi, ici. À Montréal en tout cas. C'est une ville qui me fait du bien. Quand Lhasa de Sela est morte, j'ai cru que je ne pourrais plus jamais revenir. Mais finalement... Ça passe. Je suis content d'être là.

L'or noir, lecture d'Arthur H., avec Nicolas Repac. Demain, dimanche et lundi, 20h, à l'Usine C. www.festival-fil.qc.ca.