«L'ambiance est revenue», s'est réjoui le fondateur et directeur artistique du 27e Festival international de musique actuelle de Victoriaville, qui s'est conclu au Colisée des Bois-Francs avec le concert Comicoperando en hommage au Britannique Robert Wyatt.

«Presque tous nos objectifs ont été atteints», a estimé Michel Levasseur.

Après avoir connu une reprise laborieuse de ses activités l'an dernier, reprise qui faisait suite à une pause d'une année, le FIMAV a connu une hausse de participation.

«Nous avions prévu trois ans pour retrouver le niveau», révèle à son tour Jean Saint-Arnaud, président du conseil d'administration des Productions Plateforme, l'organisme qui présente le FIMAV.

«Nous avons attiré 15 000 festivaliers cette année, dont 4000 entrées payantes en salle pour les 19 concerts réunissant une centaine de musiciens. Il s'agit d'une hausse de 500 places payantes par rapport aux résultats de 2010. Les installations sonores, elles, ont attiré 11 000 entre le 18 et le 22 mai.»

Avec une journée en moins depuis l'an dernier (désormais quatre au lieu de cinq), le FIMAV aura quand même fort à faire pour retrouver le sommet de 7000 places vendues en 2001 et 2003. Levasseur a indiqué que son festival a pu compter cette année sur un budget de 670 000$, et a dû faire l'objet d'une «gestion serrée» dans un contexte où la culture de pointe doit composer avec la précarité de son soutien financier.

«Nous sommes dans un creux de vague pour les organismes culturels se consacrant aux arts d'avant-garde. C'est mondial. L'an prochain, d'ailleurs, nous serons en négociations avec tous nos subventionneurs. Mais nous avons de forts appuis: la municipalité de Victoriaville, par exemple, a placé le FIMAV parmi les forces du milieu. Nous n'avons pas peur pour l'avenir.

«Ce qui importe, c'est que le feeling soit revenu.»

Effectivement, on peut dire que l'ambiance conviviale est de retour au FIMAV. C'était tangible. La reprise des activités en 2010, il faut le souligner une dernière fois, n'annonçait rien d'encourageant pour la suite des choses. Alors? Pour la 27e présentation, les organisateurs n'avaient guère le choix de redresser la situation, à défaut de quoi l'événement aurait été en très mauvaise posture.

Miser sur les valeurs sûres

On ne peut conclure pour autant que le festival de Victo soit redevenu le phare québécois de la musique actuelle qu'il fut naguère: parmi les meilleurs concerts présentés en salle de jeudi à dimanche, on ne retient que des valeurs sûres, c'est-à-dire des artistes ayant joué à plusieurs reprises au FIMAV. On s'est donc réjoui du retour de The Ex, Peter Brötzmann, Merzbow ou Anthony Braxton.

Au chapitre des découvertes, peu ont été marquantes. Certains retiendront le concert d'ouverture chapeauté par le Japonais Koichi Makigami. D'autres souligneront la commande d'oeuvre honorée par The Ratchet Orchestra de Montréal, un grand ensemble qui devrait jouer plus de deux fois par an pour acquérir le son et la fluidité nécessaire aux concerts qui s'impriment pour de bon dans les mémoires.

À mon sens, le concert le plus marquant fut le programme bruitiste mettant aux prises Merzbow, Richard Pinhas et Wolf Eyes. Bien sûr, on n'en est plus à se familiariser avec ces drones géants à travers lesquels on perçoit de riches variations. Or, celui-ci m'a semblé particulièrement réussi.

Autre moment de choix, la performance incendiaire du Peter Brötzmann Trio: avec la basse hardcore/bruitiste de Massimo Pupillo et le jeu si puissant du batteur Paal Nilssen-Love, le saxophoniste allemand arrive à régénérer son art. À 70 ans, ce n'est pas rien.

Quant au quatuor avant-punk The Ex, il sait encore créer des environnements très créatifs malgré les limites techniques de ses membres. À n'en point douter, la très compétente section de vents qui donnait la réplique à The Ex fut un complément plus qu'heureux.

Parmi les beaux exemples d'interaction improvisée, je retiens les Adorables de Zeena Parkins, la relation peinture-musique entre Norton Wisdom et Nels Cline, le projet Echo Echo Mirror House d'Anthony Braxton.

Ma déception du week-end fut le concert de clôture: Comicoperando, hommage mal ficelé à Robert Wyatt. Ce qui me mène chaque année à cette réflexion en quittant Victoriaville: la rectitude politique des choix artistiques et le mythe de certaines réputations peuvent l'emporter sur la pertinence de certains projets suggérés au FIMAV. Mais... il y aussi la simple malchance. Encore cette année, on donnera le bénéfice du doute à Michel Levasseur et on se représentera à Victo en 2012. Après tout, la fin du monde (prévue le samedi 21) n'a pas eu lieu et le calendrier maya se termine l'an prochain...