Des milliers de fidèles communient à coup de séances d'air guitar et de signes du devil dans le cadre du Heavy Mtl, une sombre messe dopée à la testostérone qui se prolonge jusqu'à demain soir au parc Jean-Drapeau.

Les hostilités ont été lancées en début d'après-midi, samedi, par les Alaskiens 36 Crazyfists.

Déjà, les spectateurs grouillaient nombreux sur le site immense, assis sur le gazon du parc ou autour des nombreux kiosques dispersés.

Les fans de métal affichent leurs allégeances avec des t-shirts noirs, dont la plupart seraient interdits dans les écoles privées de la province.

Et les tatouages, bien en évidence, représentent rarement un joli papillon, un soleil ou un signe chinois se traduisant par «sérénité ou bonté.»

La foule a peut-être l'air méchante, mais rassurez-vous, l'ambiance est bien festive et la Budweiser dans une bouteille un peu funky coule à flot.

Dès que High on fire, une formation de San Francisco, a plaqué ses premiers accords un peu après deux heures, quelques irréductibles massés contre la scène principale se sont mis à trasher, c'est-à-dire se foncer dedans plutôt violemment mais dans la bonne humeur, parfois en émettant des sons gutturaux, histoire de se défouler bien comme il faut.

Deux scènes ont été aménagées côte à côte pour faciliter le changement d'équipements entre les prestations.

En retrait sur le site, une file de spectateurs s'étire sans fin jusqu'à une tente où des artistes invités signent des autographes.

La Montréalaise Melissa Auf Der Maur a eu droit à un accueil chaleureux, normal pour cette Montréalaise, visiblement un chouchou du public. L'élancée rouquine avait d'ailleurs affiché ses couleurs en suspendant un drapeau des armoiries de la Ville sur la console près de son batteur moustachu.

Dans un français impeccable, l'ancienne bassiste de Hole et des Smashing Pumpkins a dit être bien contente de prendre part à la fête.

Même si ses pièces sont moins tapageuses que les autres groupes présents, Mélissa Auf Der Maur se démène comme une possédée sur une version lente mais soutenue par une basse lourde de Crazy Train d'Ozzy Osbourne. «Merci Montréal, à la prochaine!», a-t-elle lancé après une performance trop courte.

Quelques minutes plus tard, les Québécois Kataklysm prenaient la scène voisine d'assaut. «Montréal, ça commence maintenant! Awaye mes tabarnaks!», a d'entrée de jeu beuglé Maurizio Lacono, avant d'attaquer la première pièce.

Les deux bass drums de ce groupe résonnent dans les oreilles pendant que j'écris ces lignes.

Après Kataklysm, les vieux routiers Fear Factory s'amènent sur la scène, autre groupe très attendu.

Mais ce rendez-vous riche en décibels culminera évidemment plus tard aujourd'hui, avec l'arrivée des Slayer, Alice Cooper, Lamb of good, sans oublier Megadeth.

Après les performances agressives des groupes death Kataklysm et Fear Factory, les Canadiens Anvil ont ramené sur la scène principale une forme de métal plus classique.

Les nuages de fumée étaient de la partie, de même que les jets d'eau pour arroser les spectateurs qui suaient à grosses gouttes en piétinant le sol en gravelle en cette chaleur écrasante.

Le chanteur d'Anvil, Steve Kudlo -alias Lips- a d'abord salué la foule en s'exprimant la bouche collée sur son manche à guitare pour donner un effet métallique à sa voix.

Le ton était donné.

Le groupe a interprété quelques tubes, dont l'énergique 666, avant de céder à place à Testament, formation-phare du trash metal, qui fait du headbanging depuis 1983.

Avec leurs looks de brutes, les gars de Testament n'ont pas lésiné sur de longues envolées instrumentales, qui rentraient comme une tonne de briques, sur un fond de décor apocalyptique of course.

Ils ont notamment joué une pièce de leur dernier album sortie en 2008 -leur neuvième, intitulée The persecuted won't forget.

Malgré quelques mèches dans sa crinière frisée et quelques livres en trop, le chanteur Chuck Billy hurle toujours avec une rage juvénile et n'est pas chiche dans l'utilisation du manche de son microphone pour exécuter un peu d'air guitar.

Véritable bête de scène, Billy a proposé à la foule en liesse de se séparer en deux groupes pour lui montrer quelle faction de l'auditoire l'impressionnerait avec le mosh pit le plus virulent. Façon «subtile» de poursuivre avec la brutale Into the pit.

Vers 18h, Rob Halford foulait à son tour les planches de la scène principale.

Son mandat : réchauffer la foule avant l'arrivée des gros canons de la soirée, soit Mastodon, Slayer, l'icône Alice Cooper et Megadeth.

Le nom Rob Halford ne sonne peut-être pas une cloche, mais la soirée a vraiment commencé à se métamorphoser en happening à l'arrivée de cet homme de 59 ans, célèbre pour avoir été durant 36 ans à la tête du groupe culte Judas Priest.

Des verres fumés au bout du nez, le crâne rasé, cette version satanique de Clotaire Rapaille a matraqué la foule avec plusieurs tubes, notamment Silent Scream, une ballade assortie d'une finale béton plutôt récente dans le curriculum de cette légende vivante.

Sa voix unique, capable de s'élever au-dessus des instruments frénétiques fait presque le même effet qu'un ongle sur un tableau noir.

Mais les fans adorent.

Et, surtout, respectent.

Ce pionnier du métal a ensuite fait place à Mastodon, le groupe d'Atlanta qui fait toujours figure de nouveau venu au royaume de la distorsion. Mariant les effets techniques et un son brut, presque punitif, cette formation à la coiffure préhistorique a joué plusieurs pièces du dernier opus, Crack the skye.

La foule a apprécié, mais plusieurs fans semblaient déchirés entre écouter leur prestation et se précipiter vers la scène voisine, où Slayer allait se produire tout de suite après.

Assurément un des moments forts de la soirée.

«Slayer, Slayer!», scandait une foule soudainement devenue compacte avant l'arrivée du groupe, attendu de pied ferme après avoir repoussé le rendez-vous à deux reprises en raison d'une blessure au dos du chanteur et bassiste Tom Araya.

Éthique métal oblige, des nuages de fumée ont précédé l'arrivée de la formation sur scène.

L'ovation monstre a suivi aussitôt.

Difficile de ne pas taper du pied ou réagir aux prouesses olympiennes du batteur Dave Lombardo, surnommé the feet pour des raisons évidentes.

Quant au leader Tom Araya, en grande forme, il faut le voir promener son regard sur la foule comme s'il voulait tuer de manière lente et douloureuse.

Mais visiblement heureux d'être sur place, Slayer a joué les incontournables Season in the abyss, Angel of death, War ensemble et Dead skin mask, devant une foule gagnée d'avance.

Après Slayer, c'était au tour de nul autre qu'Alice Cooper, icône vivante, de venir servir une leçon de métal aux fans.

Après la finale musclée de Slayer, l'artiste de 59 ans n'avait d'autres choix que de débuter sa prestation en lion avec les classiques School's out, No more Mr. Nice guy et I'm eighteen, histoire de se mettre au diapason de la foule survoltée.

Quelques gouttes de pluie commençaient à tomber, une bénédiction vue la moiteur ambiante.

Avec son maquillage de clown triste et son micro en forme de béquille, Alice a fait honneur à sa réputation en interprétant ses chansons de manière théâtrale, tantôt avec une camisole de force, tantôt la tête coincée sous une guillotine, à la merci de bourreaux cagoulés.

Il survivra finalement à la torture pour se promener ensuite sur scène avec une fausse tête de lui ensanglantée et décapitée, durant l'ensorcelante Ballad of dwillight fry.

L'excentrique Cooper ne lésine pas sur les changements de costumes et s'accompagnent aux maracas, coiffé d'un chapeau haut de forme démoniaque.

Un passage hautement burlesque mais efficace.

Ne manquait que Megadeth pour couronner une journée déjà réussie, en tout cas à en juger pas les fans visiblement comblés, dont plusieurs titubaient pour se frayer un chemin dans la foule devenue dense.

Et Megadeth n'avait qu'un mandat : faire plaisir aux fans. Pas de temps à perdre avec des nouvelles pièces issues des derniers albums de ce groupe légendaire, un des membres sélects du Big-4 qui dominent toujours la scène métal internationale.

Pas de fla-fla donc et la bande à Dave Mustaine a livré en rafale les épiques Holy wars, Hangar 18, Take no prisoners, Five magics, enfin, la quasi-totalité (ou est-ce la totalité?) des pièces de Rust in peace, album mythique du groupe pondu durant leurs belles années.

Et le répertoire du band est si large que même après ces bombes, les fans pouvaient se mettre encore quelques perles sous la dent. «Je suis sûr que vous connaissez le refrain», a lancé Mustaine, avec son éternel look d'adolescent baveux, au public en jouant les premières notes d'À tout le monde.

Homme de peu de mots, Mustaine, 49 ans, n'a donc rien fait d'autre qu'interpréter des classiques, les cheveux dans le visage, à une foule qui en redemandait. Généreux avec les fans, il a aussi cédé beaucoup de place sur scène au bassiste David Ellefson, un membre fondateur du groupe qui a effectué un retour au sein de la formation il y a quelques mois après un divorce professionnel de plusieurs années.

Lorsque La Presse a quitté le parc Jean-Drapeau, la basse de Peace sells...but who's buying? résonnait dans la nuit.

Au loin, les feux d'artifices Loto-Québec achevaient d'illuminer le ciel.

Et Megadeth nous réservait sans doute d'autres surprises...