La voix au bout du fil est posée, un peu éteinte, un marmonnage. Le leader de Megadeth, Dave Mustaine, est en route vers l'Estonie, où il boucle sa tournée européenne, avant d'entreprendre une série de concerts en Amérique du Nord, qui le mènera notamment à Montréal, où son groupe sera une des principales têtes d'affiche du festival Heavy MTL 2010.

Fondé en 1983, Megadeth forme toujours le «Big-4» du métal, aux côtés de Metallica, Slayer et Anthrax. Leur 12e opus, Endgame, a été bien reçu par les fans. On y retrouve les riffs agressifs qui ont donné à la formation ses lettres de noblesse, un net contraste avec quelques albums plus mélodiques voire exploratoires, dont certains sont passés un peu sous le radar dans les dernières années. «Je suis fier du travail que j'ai accompli avec cet album. Si on avait pu faire un tel disque plus tôt, on serait le plus grand groupe du monde», croit le chanteur-guitariste californien, qui aura bientôt 50 ans.

Illustration Francis Léveillée, La Presse

Le journaliste métalleux Hugo Meunier.

Corruption du gouvernement, contrôle des masses, résignation populaire à la limite de l'esclavage, révolte et fantasmes anarchiques: les mêmes bons vieux thèmes sont au menu. La recette est gagnante et les enjeux ne se démodent pas. Mais Mustaine y ajoute une touche plus personnelle.

«Je ne pensais pas pouvoir écrire ainsi un jour. Je pensais être en colère toute ma vie», philosophe Mustaine. Dans The Hardest Part of Letting Go... Sealed With a Kiss, par exemple, il parle de son divorce d'avec sa femme, avec qui il a eu deux enfants. «Je n'étais pas le meilleur mari. On ne peut pas être un musicien et un homme de famille. On ne peut pas faire les deux», confie-t-il.

Pour l'heure, la famille de Mustaine, c'est son groupe, avec qui il s'égosille sur toutes les scènes métal de la planète.

Le chanteur à la voix râpée reconnaît que ses chansons, même les plus anciennes, sont toujours d'actualité. Selon lui, le film satirique Team America, réalisé par les auteurs de South Park, illustre le mieux sa vision de l'Amérique pompeuse et colonialiste. Engagé malgré lui, il a récemment joint sa voix à celle de plusieurs autres, à l'initiative du groupe Korn, pour lancer un appel au boycottage de la pétrolière BP, responsable du désastre dans le golfe du Mexique. «Les gens qui ont quelque chose dont ils sont fiers doivent se battre pour le protéger. Et si vous n'êtes pas prêt à faire quelque chose, fermez votre gueule!» tranche-t-il.

Devenir chrétien

Après ses années de drogue et d'alcool, le chanteur de Megadeth s'est assagi, puis tourné vers Dieu il y a quelques années. «Les gens qui parlaient à Dave Mustaine dans le temps de Peace Sells... But Who's Buying? (1986) ne parlaient pas à la même personne qu'aujourd'hui. Je ne pensais jamais me rendre à 50 ans», admet ce born again christian.

Il se dit fier du rayonnement international qu'il obtient actuellement en compagnie du Big-4. Récemment, il a joué Am I evil? de Metallica en compagnie de James Hetfield et Joey Belladonna d'Anthrax à Sofia, en Bulgarie. Cette réunion historique et hautement symbolique marque la fin d'une querelle de 27 ans avec son ancien groupe, qui l'a cavalièrement flanqué à la porte à ses débuts. «La querelle était déjà terminée depuis un moment, jouer Am I evil? était seulement le glaçage sur le gâteau», résume Mustaine.

S'il a tendu la branche d'olivier à Metallica, il a aussi fait la paix avec le bassiste et autre membre fondateur de Megadeth, David Ellefson, qui vient de faire un retour dans la formation après une séparation de huit ans. Après le départ d'Ellefson, le ton avait monté entre Mustaine et ce dernier. La bataille s'était transportée devant les tribunaux et dans les journaux. «On a eu des désagréments, mais je l'aime et le respecte. Quand je suis devenu chrétien, on m'a pardonné beaucoup de choses. Si on peut être pardonné, on doit aussi pardonner», souligne Mustaine.

Depuis la naissance de Megadeth, une quinzaine de membres se sont succédé. Le groupe a connu son âge d'or avec la sortie de l'album-phare et incontournable Rust in Peace en 1990. Accompagné des David Ellefson, du batteur Nick Menza et du guitariste Marty Freidman, Megadeth avait connu une période de grâce, qui s'est matérialisée en quelques albums platine.

Dave Mustaine avait annoncé la fin de Megadeth en 2002, après une blessure à la main qui minait sa capacité à jouer. La pause a duré deux ans mais la fin n'est pas encore venue. Et aujourd'hui, Medageth continue de faire ce qu'il sait faire le mieux: jouer vite et hurler devant une mer de poings tendus et de signes du devil.

Megadeth, en spectacle ce soir à Heavy MTL, 21h40.