André Dudemaine, programmateur de Présence autochtone, qui se déroulera du 7 au 15 août à Montréal, croit que Kanata représente un autre rendez-vous manqué entre Blancs et autochtones au sujet de l'Histoire. Un rendez-vous qui aurait dû et pu avoir lieu, selon lui.

André Dudemaine estime qu'il est dommage qu'il y ait eu « un manquement dès le départ » dans la création du spectacle Kanata de Robert Lepage. Lors du dévoilement de la programmation de son festival, il est revenu pour la première fois, hier, sur la controverse qui a cours depuis quelques jours en soulignant que le rendez-vous entre Kanata et les artistes autochtones aurait facilement pu avoir lieu. 

« Lepage se trouve, comme il dit, au milieu d'un feu de forêt, mais surtout, la production n'aura pas bénéficié d'un apport autochtone important. [...] Qu'on ne vienne pas me dire qu'au théâtre, les races n'existent pas. Le nom de sa compagnie Ex machina vient du latin Deus ex machina [Dieu sorti de la machine]. »

« Il y a des gens qui vivent dans une sorte de ciel où ils oublient le terrain des vaches. S'ils sortaient un peu de leur tour d'ivoire, leur perspective changerait. »

Malgré une rencontre de plusieurs heures la semaine dernière entre Robert Lepage, la productrice Ariane Mnouchkine et des représentants autochtones, le statu quo quant à la production, décriée pour l'absence d'artistes autochtones, a été maintenu.

« Le paradoxe, c'est qu'on peut rester sur nos propositions tout en se rapprochant. Les échanges ont été respectueux, mais pas toujours cordiaux. Lepage n'a rien changé, mais à la dernière minute, rajouter un bout de tambour ou une demi-scène bricolée pour avoir l'air plus autochtone, ça aurait été plus artificiel que ce qui est déjà là. »

«Il n'y a pas de censure» 

Quant à l'utilisation du mot « censure » que fait la metteure en scène française Ariane Mnouchkine, qui présente le spectacle à Paris l'automne prochain, le directeur de Présence autochtone se dit passablement « irrité ».

« Quand on parle de censure, je trouve qu'on en parle sottement. La liberté de création fait partie de la liberté d'expression. Dans ce débat, il n'y a pas de censure. Personne n'a demandé l'intervention de la police pour empêcher la tenue du spectacle. »

Certains ont parlé de quotas, tant en ce qui a trait à SLĀV qu'à Kanata, deux spectacles de Robert Lepage, mais cela ne fait pas non plus l'objet d'une demande autochtone, souligne-t-il. 

« Comme c'est le cas dans la programmation de Présence autochtone, on parle d'hybridité. »

« On veut une qualité de collaboration autochtone qui a une incidence réelle sur la création, sur l'image donnée, et qui donne la chance aux créateurs de maîtriser des niveaux de production qui leur sont rarement accessibles. »

Le film Hochelaga, terre des âmes de François Girard est un bon exemple de collaboration, dit-il, puisqu'on y sent la volonté de rapprochement et de réconciliation. 

« Et ça donne quelque chose comme oeuvre cinématographique ! On ne veut pas que critiquer, on veut et on peut apporter quelque chose. À faire porter ça sur la mathématique ou les quotas, ça n'a aucun sens. C'est une question d'impact réel des créateurs autochtones. »

PHOTO DAVID LECLERC, TIRÉE DU SITE DU THÉÂTRE DU SOLEIL

Le spectacle Kanata en répétition au Théâtre du Soleil, à Paris