Panoramix, druide célébrissime à qui l'on doit la potion magique des irréductibles Gaulois, se rendait une fois l'an dans la forêt des Carnutes afin d'y participer à la grande assemblée des druides. Deux millénaires plus tard, une pratique comparable se perpétue au centre du Québec, et ce, pour la 32année : musiciens d'avant-garde, connaisseurs et journalistes spécialisés tiennent leur grande assemblée dans les Bois-Francs, soit au Festival international de musique actuelle de Victoriaville.

Ces « druides » mélomanes viennent s'y mettre à jour en assistant aux concerts de leurs artistes préférés ou encore en y découvrant les acteurs émergents de cet ensemble hétérogène que l'on nomme « musique actuelle » : free jazz, avant-rock, bruitisme, électroacoustique, drone et autres musiques contemporaines.

« J'y reviens chaque année pour la musique, mais aussi pour revoir les amis dont j'ai fait la rencontre ici. Ce festival est international et attire des fans de partout en Amérique du Nord, qui forment une communauté », explique le Montréalais Lawrence Joseph, professeur de mathématiques à la faculté de médecine de l'Université McGill.

UN RENDEZ-VOUS PRISÉ

Tom Law vit en Caroline du Sud, pas très loin de sa capitale, Columbia. Il y a possédé et géré une salle de concert : « Je suis venu à Victoriaville au milieu de la décennie précédente ; un ami m'avait chaudement recommandé ce festival. M'y revoilà : lundi dernier, j'ai pris ma voiture et j'ai campé en cours de route. Ici, je partage la location d'une maison avec des amis québécois et français que j'ai connus au FIMAV. C'est super ! »

Ingénieur mécanique dans l'industrie aéronautique, Peter Eichen est parti de Phoenix, en Arizona, pour un énième pèlerinage à Victo : « Je viens régulièrement au Québec depuis les années 80. Des années plus tard, un ami de Tucson m'a parlé du FIMAV et j'ai trouvé que ce serait une excellente idée d'y venir. Ainsi, Kevin [Murphy, gérant d'un restaurant de fruits de mer à Tucson] et moi prenons un vol jusqu'à Montréal et faisons du covoiturage avec des festivaliers montréalais. Nous allons tous à Victo pour y élargir nos horizons musicaux. »

EN VEDETTE À VICTO

Dans un environnement captif, le festival de Victo permet à son public une proximité accrue avec des musiciens de réputation mondiale, que l'on ne cesse de croiser dans les rues, hôtels, restaurants ou salles de concert.

Guitariste visionnaire dont le quartette fait partie de Bagatelles - programmation spéciale consacrée aujourd'hui à l'univers de John Zorn - , l'Américaine Mary Halvorson n'a que de bons mots à l'endroit du FIMAV.

« J'y suis venue pour la première fois en 2007 au sein d'ensembles menés par Anthony Braxton [Trio et 12+1]. Ce fut une expérience formidable que d'y jouer et d'assister ensuite à de merveilleux concerts au cours du week-end. Je reviens y jouer régulièrement parce que j'aime sa programmation. Et je suis toujours étonnée d'y voir des spectateurs américains. »

Invité demain, l'Américain George Lewis était un tromboniste réputé lorsqu'il est venu pour la première fois au FIMAV, dans les années 80. Depuis lors, son art a largement débordé le cadre du free jazz : il s'intéresse aussi à l'électroacoustique, à l'indétermination du jeu en temps réel, au drone, etc.

Photo Martin Morissette, fournie par le FIMAV

Le tromboniste George Lewis a participé pour la première fois au FIMAV dans les années 80.

Photo Martin Morissette, fournie par le FIMAV

Michel Levasseur, directeur artistique du FIMAV

Improvisateur, acousmaticien, concepteur de dispositifs électroacoustiques, performeur, le Français eRikm est aussi un habitué ; il y revient aujourd'hui pour y présenter le concert Blank Memory & Live Akousma.

« J'aime l'ambiance, l'accueil toujours chaleureux, l'éclectisme et la curiosité ; le FIMAV reste pertinent tout en restant fidèle au travail en évolution de certains vétérans. J'y reviens aussi pour garder le lien avec un pays auquel je suis fantasmagoriquement attaché depuis mon enfance. »

RAJEUNIR SON PUBLIC

Fondateur et toujours directeur artistique du FIMAV, Michel Levasseur considère son festival comme la rencontre d'une famille élargie... qui devra néanmoins rajeunir pour assurer sa pérennité.

« L'idée d'une grande famille internationale est à la base de cet événement. Toutefois, cette famille est vieillissante depuis notre pause de 2008. L'année suivante, nous étions revenus en pleine crise économique ; le sort de la musique de pointe était enfoui sous une montagne de préoccupations autres que culturelles et l'offre de festivals spécialisés comme le nôtre était devenue plus considérable à Montréal. Notre auditoire donc a rétréci - environ 4000 entrées payantes l'an dernier. »

Pour ce, la potion magique n'est pas indiquée...

Le FIMAV peut néanmoins compter sur de solides appuis politiques : cette année, le gouvernement du Québec y contribue à hauteur de 260 000 $, le gouvernement du Canada à environ 100 000 $ et la Ville de Victoriaville à 90 000 $.

« UN PRODUIT DE NICHE »

« Le FIMAV est un produit de niche très particulier, très pointu, mais il répond à une clientèle spécialisée dont 35 % provient de l'extérieur du Québec. Les touristes d'aujourd'hui se trouvent souvent dans des niches, il faut donc leur offrir un produit différent. C'est pourquoi je suis très heureuse d'y être associée », souligne Julie Boulet, ministre du Tourisme venue jeudi au lancement de la programmation du FIMAV.

Idem pour le nouveau maire de Victoriaville, André Bellavance. « Nous avons scellé une entente avec le FIMAV jusqu'en 2019 parce que c'est un fleuron de Victoriaville. Peu d'événements en région se retrouvent dans les médias internationaux comme le FIMAV. Peu importe le nombre relativement restreint de festivaliers, nous sommes conscients qu'il s'agit d'un créneau particulier, un vrai rendez-vous pour les passionnés. Il n'y a pas de mal à ça ! »