« Comme dans le monde des affaires, les jazzwomen ont au-dessus d'elles un plafond de verre qu'il est bien difficile de percer... »

Ce glass ceiling, Christine Jensen est peut-être en train de le traverser et de se faire une place dans ce monde d'hommes où, traditionnellement, les femmes ont été confinées au rôle de chanteuse.

Christine Jensen ne chante pas, mais elle fait tout le reste, à un niveau qui la place parmi les grands noms du jazz canadien sinon nord-américain : elle joue du saxophone, compose et dirige son propre ensemble et d'autres. Ainsi, ce soir, elle dirigera l'Orchestre national de jazz de Montréal au concert d'ouverture du 16OFF Festival de jazz qui, jusqu'au 10 octobre, présentera 27 spectacles dans neuf lieux de la scène montréalaise.

Comme pièce principale du programme, on retrouve Dans la forêt de ma mémoire, une suite en sept mouvements que la pianiste montréalaise Marianne Trudel a composée spécialement pour l'ONJM, avec lequel elle l'a d'ailleurs enregistrée (ATMA) et interprétée à quelques reprises, dont l'été passé sur la grande scène extérieure du Festival de jazz.

Ce soir au Lion d'or, même personnel : Christine Jensen au lutrin, sa soeur Ingrid à la trompette, Marianne Trudel au piano et Karen Young comme chanteuse (Anne Schaefer chante sur le CD). L'ONJM interprétera aussi des pièces de Christine Jensen elle-même, de Maria Schneider, de Satoko Fuji et de Carla Bley. Grands noms de femmes dans le grand monde du jazz...

Montréal, ville ouverte

Montréal, dont on connaît bien le rythme annuel en matière de jazz, offre-t-il aux femmes de meilleures perspectives que d'autres métropoles culturelles ? Comme elle le fait toujours, Christine Jensen réfléchit avant de répondre... « Oui, si l'on considère la très grande ouverture culturelle des Montréalais qui peuvent choisir dans une offre immense. » 

« En jazz, toutefois la difficulté reste toujours de trouver une place pour jouer et faire connaître leur musique [celle des femmes]. »

« Le jazz a toujours été affaire d'ouverture », dira pour sa part Karen Young en soulignant l'importance grandissante de l'hybridation entre les cultures musicales. « Des rencontres entre les instrumentations mais aussi entre les styles vocaux », ajoute Mme Young qui fait elle-même dans la fusion nouvelle (voir la capsule ci-bas).

Et cet OFF Jazz, qui commence ce soir, il est « off » par rapport à quoi, au juste ? « La mission du OFF a toujours été d'offrir une scène aux musiciens locaux », rappelle Christine Jensen qui n'a rien à voir avec l'organisation. Cette mission n'a pas changé, même si le festival est présenté en octobre, une saison où nous avions grand besoin d'un tel événement. »

Né en réaction au Festival international de jazz de Montréal et présenté en même temps que le géant accusé de ne pas accorder assez de place aux musiciens locaux, l'OFF Jazz a « déménagé » à l'automne pour son 11anniversaire en 2010.

Ce soir, Christine Jensen, la fille de Nanaimo établie à Saint-Henri, dirigera ce que plusieurs considèrent comme le meilleur ensemble de jazz orchestral à Montréal. Qui jouera, entre autres, de ses compositions, elle à qui la revue Downbeat a accordé une note de 5 étoiles pour son CD Habitat, paru en 2013. Et elle va jouer du saxophone soprano, son instrument que ses autres rôles de jazzwoman l'obligent à négliger un peu.

« Jouer, entrer en conversation - improvisée ou formelle - avec d'autres musiciens, voilà le vrai plaisir du jazz ! Le reste, c'est du travail... »

Au Lion d'or ce soir, 20 h

Aussi à l'OFF Jazz

Programme double

Demain au Lion d'or, l'OFF Jazz présente une programme double de belle tenue. À 20 h, conversation intime entre le pianiste américain Marc Copland et le contrebassiste montréalais Adrian Vedady. À 21 h 30, le saxophoniste Yannick Rieu présente le concert-lancement de son nouveau CD, Da Li, dont les musiques et les rythmiques sont inspirées de ses nombreux voyages en Chine.

Karen Young

Elle a plus de projets que nous avons d'espace pour en parler. Karen Young a composé une messe chorale dédiée à sa mère (Missa Campanula) qu'elle interprétera en novembre ; elle travaille par ailleurs à un projet de musique celtique pour huit voix, harpe et contrebasse et à un autre, Médi-Jazz, d'inspiration médiévale mais jouée avec des instruments électriques dont la Stratocaster de Sylvain Provost. Pendant l'OFF Jazz, le trio Young-Provost-Guilbeault lancera le CD You Make Me Feel So Young (le dimanche 20 h, Maison de la culture Côte-des-Neiges).

Joe Morris le maître

Le guitariste américain Joe Morris donnera une classe de maître sur le thème The Properties of Free Music, ouvert à tous les instrumentistes de toutes les disciplines, dimanche à La Passe (1214, rue de la Montagne), de 14 h à 16 h. Lundi, 20 h, Morris sera l'invité du Grand Groupe régional d'improvisation libérée - le GGRIL - de Rimouski qui, pour sa première visite à l'OFF Jazz, se produit à La Vitrola du boulevard Saint-Laurent.

MCM

Le jeune label montréalais MCM (Multiple Chord Music) s'est fait une niche dans la production et la promotion de musiques « gravitant dans le vaste univers du jazz ». Mardi, MCM lance sa programmation officielle 2015-2016 alors que se succéderont sur la scène de la Casa del Popolo l'Andy Kim Group, le Rachel Therrien Quintet, la chanteuse Marjorie Fiset, l'Annie Dominique Quintet, Parc X Trio (les fondateurs de MCM), le contrebassiste Frédéric Alarie, le saxophoniste Jason Stillman, Tertio et Mark Nelson's Sympathetic Frequencies.