Montréal avait une place enviable au bord de la Seine pour la 13e Nuit blanche de Paris.

Pour sa première saucette internationale, MASSIVart et son festival Chromatic ont frappé fort en attirant les foules à la Cité de la mode et du design, sur le quai du 13e arrondissement, dans la nuit de samedi à dimanche.

L'automne avait décidé d'entrer en scène avec de la pluie et du temps froid pour la célèbre Nuit blanche qui a inspiré celle de Montréal. Mais la vue du haut de l'immeuble tubulaire vert surplombant la Seine, où l'art montréalais s'affichait, avait de quoi reléguer au second plan les préoccupations météorologiques.

En partenariat avec Sid Lee et le CALQ, Chromatic a fait un premier pas vers une édition internationale de son festival annuel montréalais, a expliqué à La Presse la directrice de production Valery Lajoie.

Au premier étage, les gens regardaient avec émerveillement l'installation artistique interactive Parade de Laurent Craste et du studio Dpt. Ils étaient nombreux à agiter la lampe suspendue de l'oeuvre, dont le mouvement anime les ombres de deux vases en porcelaine, projetées dans une imposante structure cubique en bois blanc. De quoi rappeler des personnages de Disney, notamment les tasses et les fleurs dans Alice au pays des merveilles.

Nicolas S. Roy du studio Dpt tentait de contenir les ardeurs et l'enthousiasme de la foule. «Les gens doivent jouer avec, mais il y a des enfants qui ont commencé à grimper dedans tantôt», a-t-il dit à La Presse tout en surveillant la scène.

«Notre oeuvre est super simple, mais les ombres dansantes créent de l'émerveillement et un côté magique. On voulait plaire autant aux amateurs d'art qu'au grand public. Tout le monde a un sourire, donc je pense que ça marche, s'est-il réjoui. C'est vraiment cool d'être à Paris. Cela nous ouvre plein de portes. On vient de recevoir une invitation pour aller dans un festival en Corée.»

C'est justement le but de Chromatic. Rassembler des gens hétéroclites autour d'une manifestation artistique. Démocratiser l'art. «Réunir autant des hipsters que des familles et des gens plus âgés», explique la directrice des communications Claire Baron, une Française d'origine installée à Montréal.

Au bas de la Cité de la mode et du design, qui donne sur le Quai d'Austerliz, à même l'eau, les oiseaux de nuit parisiens pouvaient contempler la mosaïque immersive de Dominique Pétrin. Un perroquet et un collier chic donnaient un côté kitsch à ses motifs colorés quadrillés. À Montréal, les sérigraphies de Dominique Pétrin ont notamment «emballé» le bar Les Katacombes, ainsi que le piano de Pierre Lapointe et la station de métro Beaudry.

Vue sur la Seine

Sur le toit, Jason Botkin, du collectif En masse, avait réuni une dizaine d'artistes parisiens autour de l'art du graffiti. Des tatoueurs, des illustrateurs, des artistes visuels. Leurs noms? Sixo Santos, Kashink, KRSN, Stew, Mast et Veenom, Lapinthur, Théo Lopez et Olivia De Bona. Tous ont apporté un coup de crayon à quatre structures entre lesquelles les spectateurs ont défilé toute la nuit et pris des photos publiées sur Instagram.

«On fait du dessin collaboratif en noir et blanc avec des artistes de la ville qu'on visite», explique Valery Lajoie. À Paris, les artistes du street art sont moins libres qu'à Montréal, note-t-elle. «Ici, le graffiti est encore vu comme un acte vandale et non artistique, mais c'est en train de changer.»

Paris aime le Québec

Merci aux Xavier Dolan, Coeur de pirate et Pierre Lapointe, les Québécois bénéficient d'un préjugé favorable à Paris. Télérama vient de consacrer une importante édition spéciale en papier glacé à la scène culturelle du Québec. Les créateurs québécois sont «particulièrement innovants dans les domaines de la scène, des arts plastiques, numériques, et de la bande dessinée», dixit le prestigieux magazine. De quoi mousser les festivités du 375e anniversaire de Montréal.

Nicolas S. Roy a senti cet intérêt dans le cadre de la Nuit blanche. À l'inverse, beaucoup d'artistes visuels émergents français tentent leur chance à Montréal, souligne-t-il. «À Paris, ce n'est pas assez d'être bon. Il faut un CV et des contacts.»

La première sortie internationale de Chromatic dans le cadre de la Nuit blanche de Paris comprenait également une installation éphémère à la mairie du 13e arrondissement. Le collectif montréalais Garbage Beauty a initié les élèves d'une école primaire à son art qui fait ressortir «la beauté de nos rejets mobiliers». Les jeunes ont apporté de vieux meubles et objets qui ont repris vie sous forme de calligraphies.

Organisme à but non lucratif, MASSIVart organise depuis cinq ans à Montréal le festival Chromatic, qui a lieu en mai. Durant le reste de l'année, il intègre des artistes dans des événements d'affaires.