Festival le plus multidisciplinaire en ville, Les Escales improbables offrent aux curieux un savant mélange de danse, d'arts visuels, de théâtre... et de bien d'autres choses encore. Parmi la foule de projets innovateurs qui y sont présentés à compter de vendredi, on retrouve L'Épicerie musicale de Jérôme Minière et Marie-Pierre Normand. Culture et agriculture n'auront jamais été aussi liées.

L'idée d'associer la musique à des produits du terroir est née il y a deux ans, lorsque Jérôme Minière a lancé son disque Le vrai le faux. CD en chocolat, tranches de saucisson venant avec code de téléchargement, le concept avait amusé bien des gens et a fait son chemin dans la tête de l'auteur-compositeur-interprète.

Pendant Les Escales improbables, il tiendra donc une épicerie musicale où on pourra se procurer des produits locaux et frais, telles des pommes, des carottes, des betteraves ou des patates... et des chansons. Un pied de céleri, par exemple, coûtera 99 sous. En l'achetant, un code de téléchargement collé sur une étiquette permettra d'accéder à une des 21 chansons composées pour l'occasion. Les acheteurs auront trois jours pour les télécharger.

Le tout se déroulera dans un stand élaboré par l'artiste visuelle Marie-Pierre Normand. «Ça ressemblera à ce qu'on peut voir au marché Jean-Talon. Nous avons peu de moyen alors ce sera simple, fait de matériaux recyclés, avec beaucoup de bois», explique Jérôme Minière, qui a souvent été l'initiateur de projets éphémères et ponctuels, mais qui ne détesterait pas non plus «sortir de ce schéma» et se lancer dans quelque chose de longue haleine.

D'où viennent ces 21 chansons? Au printemps dernier, le chanteur a demandé à des artistes de tous les horizons de participer à son projet et de lui fournir une pièce «absolument inédite». Dix-neuf personnes ont répondu à l'appel, dont Alex Nevsky, les soeurs Boulay, René Lussier, Gaële, Émilie Proulx et Bori. Jérôme Minière en a écrit deux, une sous son nom et une autre sous le nom de son alter ego, Herri Kopter. Et si la plupart des artistes ont écrit une chanson exclusive, d'autres lui ont fourni des pièces déjà existantes, mais tout de même des raretés «qui n'avaient pas beaucoup de vécu».

«Il y davantage de gens qui auraient voulu participer, souligne le chanteur organisateur. Ils ont dû décliner parce qu'ils n'avaient pas de temps, comme Pierre Lapointe, par exemple.» Quand il regarde la liste des participants, Jérôme Minière est heureux de voir qu'il n'a pas rejoint que la communauté électro-acoustique, constate que la relève est bien représentée, déplore l'absence de la musique classique et du hip-hop, et bien sûr celle de Navet confit!

«C'est une invitation pour la prochaine fois... Ça prend quand même un certain humour pour participer à ce projet, parce que ça reste farfelu. Même s'il y a un côté philosophique derrière, une réflexion sur la perte de matérialité de la musique en l'associant à un objet digérable. L'artisanat est devenu notre seule valeur ajoutée. Pour moi, il est aussi question de comment on garde la valeur intrinsèque de notre travail. Parce que même si l'offre est immatérielle, il y a eu travail physique derrière.»

Ces chansons sont donc le résultat d'un été de création, et non un portrait exhaustif de ce qui se fait en ce moment à Montréal. «C'est la récolte d'un été, dit en souriant Jérôme Minière. Comme au marché. Et comme au marché, il y aura une grande variété disponible.»

Le chanteur avoue avoir été surpris et ému par le résultat, des chansons fragiles, autoproduites, en dehors des standards de l'industrie. «Entendre quelqu'un faire sa chanson avec une guitare et un ukulélé, c'est touchant. Les gens se sont mis dans un état de vulnérabilité, ils sont sortis de leur cadre habituel.» Les acheteurs pourront se procurer leurs «produits» à l'unité, mais il sera possible aussi de repartir avec un panier complet. La récolte sera bonne.

Du 7 au 9 septembre, de 14h à 18h, au bassin Bonsecours dans le Vieux-Port de Montréal.