Le 16e festival de cinéma de genre Fantasia présentera cette année 160 films en trois semaines. En plus des premières mondiales, nord-américaines et canadiennes, des invités comme les acteurs Mark Hamill, Jay Baruchel et Michael Biehn, la fête prend du sérieux avec un volet «industrie».

Fantasia s'ouvrira demain en présentant une primeur canadienne: Bydlo, le nouveau court métrage d'animation du réalisateur et artiste multidisciplinaire Patrick Bouchard. Le Québécois est un spécialiste de l'animation image par image, communément appelée stop-motion. Son film s'inspire d'une oeuvre du compositeur russe Modeste Moussorgski, ce qui démontre le lien privilégié du réalisateur avec la musique.

Bydlo («bétail», en polonais) a exigé près de trois ans de travail.

Pour réaliser Coraline, le long métrage d'animation en stop-motion des studios Laika lancé en 2009, on comptait pas moins de 25 plateaux simultanés pendant le tournage. «Moi, je n'en avais qu'un», explique Patrick Bouchard, dont le film Les ramoneurs cérébraux avait été récompensé du Jutra du meilleur film d'animation en 2003.

En visionnant le poème social qu'est Bydlo, coproduit par l'Office national du film (ONF) et Arte, récemment présenté au Festival international du film d'animation d'Annecy, on mesure immédiatement le raffinement des techniques employées et les heures passées à tout construire et à mettre en place pour le tournage. Aucun effet numérique n'a été utilisé dans le film.

«Le numérique rend les images presque vivantes, naturelles. J'aime qu'on sente le travail des mains dans mes films», explique le cinéaste.

La scène finale, dans laquelle les corps du taureau et des personnages se décomposent dans le sol, a nécessité à elle seule huit heures de tournage consécutives.

«Pour arriver à cet effet, on a tout construit à l'argile, recouverte de goudron, parce que l'argile sèche se décolore, explique Bouchard. On a fait des tests pour voir à quelle rapidité pouvait sécher une surface d'argile pour avoir l'effet visuel désiré. Avec deux gros séchoirs suspendus et des projecteurs, cela a pris huit heures.»

De courts films documentaires sur les coulisses du tournage, à voir sur le site onf.ca/bydlo, donnent la pleine mesure de l'ingéniosité requise pour rendre hommage à cette technique cinématographique née il y a plus d'un siècle. Il ne faut pas seulement être réalisateur pour y exceller: il faut aussi être ouvert à d'autres disciplines artistiques et être un peu bricoleur.

Arts visuels

«Je n'avais pas de but précis, mais je ne pensais jamais faire de l'animation un jour dans ma vie, raconte-t-il. J'ai commencé à faire de la peinture et de la sculpture, mais ma force, c'est le dessin. Et la musique. Ç'a été mon grand dilemme dans ma vie: faire de la peinture ou de la musique.»

Il a finalement penché pour des études en arts visuels: «c'était plus facile de l'étudier dans ma ville, Chicoutimi». C'est à l'université qu'il s'est initié au stop-motion. Cet art «allait chercher un aspect «plastique» que je trouvais intéressant et qui nécessitait des qualités que je possède, dessin, sculpture, modelage». Après son oeuvre primée aux Jutra, Bouchard a réalisé un court métrage pour l'ONF sur la chanson Dehors novembre, des Colocs.

Amateur de l'oeuvre de Moussorgski, Bouchard s'est inspiré d'une des pièces de tableaux d'une exposition. De la série de 10 tableaux dont s'est inspiré le compositeur russe, «il n'en reste que six». «Bydlo n'a jamais été découvert, mais à travers sa correspondance, on sait à peu près ce qu'il illustrait, un boeuf, un chariot, des hommes. Mon film est ma représentation de ce tableau perdu.»