Révélé au grand public par sa collaboration avec Richard Desjardins, l'ensemble contemporain Forestare n'a jamais caché son appui à la cause autochtone. Le groupe a déjà joué avec le rappeur anishinabe Samian, la chanteuse inuit Elisapie Isaac et interprété des oeuvres du compositeur atikamekw Pascal Quoquochi Sasseville.

Cette démarche militante, ancrée dans une perspective écologique plus large, se poursuivra lundi soir à la Grande Bibliothèque, avec Arauco: de sève et de sang, une oeuvre pour 12 guitares et 2 contrebasses présentée en première canadienne dans le cadre du festival Présence autochtone.

Écrite par le jeune compositeur chilien Javier Farias, Arauco s'inspire du grand poème épique La Araucana, publié au XVIe siècle. Son auteur Alonso de Ercilla y raconte les combats entre les conquistadors et le peuple mapuche de l'Araucana, une région qui fait aujourd'hui partie du Chili.

Au départ, l'oeuvre se voulait un hommage au courage des conquistadors. Mais avec le temps, les Mapuche se la sont appropriée, en faisant un manifeste de leur fierté et de leurs revendications territoriales.

Mise en musique en 2009 par Javier Fargas, Araucana s'est transformée en Arauco. La pièce est tombée dans l'oreille du fondateur et directeur artistique de Forestare, Alexandre Éthier, qui y a vu, par extension, un «hommage à la résistance amérindienne», toutes nations confondues. Après avoir rencontré Fargas au Chili, Éthier a ramené les partitions dans ses valises.

Éthier décrit Arauco comme «un duel de six cordes». Les Espagnols sont représentés par la guitare flamenco, et les Araucanas, par les guitares classiques. Les deux camps se répondent, dialoguent, s'affrontent. Au-dessus de la mêlée, un narrateur (Pierre Paquet) décrit ce choc des mondes, d'où naîtra une nouvelle civilisation, le Chili.

Accessible

On imagine d'ici la complexité de cette création contemporaine en huit mouvements, axée sur l'affrontement. Mais Éthier assure qu'Arauco n'a rien d'une prise de tête musicale.

«C'est super trippant, au contraire. Il y a des combats musicaux, oui, mais aussi des moments de méditation et de grandes envolées mélodiques. En fait, c'est une oeuvre complète. Très riche. Avec beaucoup d'influences, des rythmes inspirés du folklore autochtone (queca, tonada, huyada). Ce n'est pas du tout pour les érudits. C'est de la musique très accessible, qui s'écoute bien.»

Arauco ne dure pas plus de 45 minutes, ajoute le guitariste. En deuxième partie, Forestare reprendra deux pièces de Pascal Quoquochi Sasseville, dont une composition inédite intitulée Racines.

Les liens avec l'Amérique du Sud ne s'arrêteront pas là, puisque le groupe doit se rendre au Chili en septembre pour enregistrer Arauco, point de départ de sa prochaine tournée québécoise.

Alexandre Éthier doit pour sa part enregistrer en solo toute l'oeuvre de Javier Fargas et caresse toujours le projet d'enseigner la guitare dans les réserves amérindiennes du Québec... C'est ce qu'on appelle avoir de la suite dans les idées.