Ils étaient là côte à côte, se répondant de guitare à guitare: Jack De Keyzer, David Gogo, Steve Strongman, Paul Deslauriers, réunis mardi au Festival international de blues de Tremblant pour cet hommage à Robert Johnson qui fait déjà partie de la petite histoire du blues québécois.

Si le blues a une grande histoire, elle a commencé avec Robert Johnson, chanteur et extraordinaire guitariste de country-blues qui, avec seulement 29 pièces enregistrées en 1936-1937, deviendra l'une des figures marquantes du blues moderne quand, entre autres, les Rolling Stones, Bob Dylan et Eric Clapton -qui ne se souvient pas de Crossroad?- feront rayonner son oeuvre, à partir des années 60.

Pour la finale de mardi, un freluquet à tête frisée est venu s'aligner au bout de la prestigieuse ligne de front de bluesmen, adolescent égaré dans la musique du malheur des hommes: Justin Saladino, 16 ans. Quand est venu son tour, dans le classique Walking Blues, le jeune homme de Pierrefonds a joué avec la même bouillante précision que ses collègues d'expérience. La foule a chaudement applaudi le jeune virtuose.

« C'était impressionnant de jouer avec tous ces grands guitaristes », nous dira Justin le lendemain matin, au cours d'une entrevue à laquelle assistait son chauffeur, Nat Saladino, qui est aussi son père. « Les gars sont gentils avec moi. Parfois, ils me donnent des conseils sur la façon d'utiliser l'équipement, mais, non, pas souvent sur la façon de jouer. » Justin connaissait déjà Jack De Keyzer pour avoir joué avec lui au Festival de jazz il y a deux semaines dans la Guitar Explosion de Paul Deslauriers. Trois musiciens, trois générations ; la même passion et le même agent : Brian Slack, qui est aussi directeur de la programmation du festival de Tremblant.

Justin Saladino avait 6 ans quand il a appris les bases de la guitare - « et du blues » - de son oncle et, à 10 ans, il jouait dans un band avec ses cousins. Dans l'intervalle, sa pièce maîtresse, si on peut dire, aura été Red House de Jimi Hendrix à laquelle s'ajouteront des morceaux de Stevie Ray Vaughan, Buddy Guy, Muddy Waters, Robert Johnson, bien sûr, et Led Zeppelin, son band préféré, « très blues ». Justin a aussi suivi des cours avec Paul Deslauriers, devenu un peu son parrain.

Il y a quelques mois, Justin a formé un nouveau groupe qui porte son nom. Le Justin Saladino Band se produit ce soir à l'église Sacré-Coeur-de- Jésus du village de Mont-Tremblant dans le cadre du Festival de blues (www.tremblant.ca). Hans Blichert à la basse et Khayman McColgan à la batterie complètent ce power trio de funk rock, comme les Red Hot Chili Peppers cités par le jeune leader comme l'une de ses influences. « J'écoute beaucoup les Chili Peppers, mais mon band préféré c'est les Black Keys que je viens de voir au Centre Bell. À la guitare, par contre, mes préférés sont Guthrie Govan (Young Punx), Joe Satriani et Steve Vai. »

Pour Justin Saladino, cet été est l'été de la « transition » : « J'ai un nouveau band, j'écris des musiques pour un CD que l'on espère lancer au printemps de 2012 et je suis presque un adulte. » Un adulte qui entrera en 5e secondaire en septembre au Pierrefonds Comprehensive High School. Comment ses compagnons de classe le considèrent-ils ? « Ils savent que je joue de la guitare, explique Justin dans un excellent français, mais ils ne savent pas vraiment à quel niveau... »

- Quel est ton plan ?

- Je ne veux pas d'emploi. Je veux vivre de la musique, profiter des occasions que m'offre la scène en progressant étape par étape : là, je suis rendu au CD. Je ne crois pas au succès instantané comme American Idol, des feux de paille la plupart du temps...

Blues, musique de la douleur souriante... et de la sagesse précoce.

************************************************

Le Justin Saladino Band : samedi soir 20 h à Mont-Tremblant et le jeudi 28 juillet au Petit Campus.