Pour qui prospecte sommairement les clips de Manu Dibango sur l'internet, ce petit côté variété légère et autres clichés de la pop africaine moderne peuvent porter à confusion, c'est-à-dire faire ombrage à la grande qualité de la performance à laquelle on a eu droit mercredi au Métropolis. À 77 ans, le saxophoniste, compositeur, arrangeur, leader, de surcroît parrain des 25e Nuit d'Afrique, vaut encore le détour. Vraiment.

Pour quiconque a déjà assisté à un concert de Manu Dibango, il apparaît évident que le musicien camerounais a mis au point une formation digne des meilleures machines de groove sur cette petite planète. Nous en avons eu une fois de plus l'éloquente démonstration. Bien sûr, on ne demande pas à un septuagénaire ayant tant accompli de renouveler sa facture, on se contente de contempler autant d'acquis.

Avec ses relents de jazz, de musiques brésiliennes ou cubaines, l'introduction instrumentale de ce «concert d'ouverture officielle» permet illico de constater la force de frappe : batterie, percussions, guitare, basse, claviers, deux choristes et deux saxos incluant le maître. Que des musiciens top niveau, nourris au funk, au jazz, au groove et à  une pléthore de styles africains.

Manu Dibango, lui, n'a peut-être pas la technique des plus grands virtuoses mais il a un style, un son. Et, surtout, une brillante direction d'orchestre. L'aisance, la souplesse, la précision y font bon ménage avec la puissance et le feu du rythme.

Tirée de l'album Manu Safari (1998), Maya Ma Bobe nous plonge dans un métissage de rythmes camerounais   modernisés, le tout comportant des ponts cubains particulièrements convaincants.

Big Blow met ensuite l'emphase sur la dimension afro-jazz-funk de Manu Dibango, à mon sens ce qu'il fait de mieux. Cette hybridation exige de cet orchestre excellent qu'il atteigne les cimes les plus élevées de la cordillière du groove.

Na Kupenda nous mène en Afrique du Sud, on se trouve sous des tropiques plus calmes, également propices à la ballade Soir au village qu'entonnent  Manu et ses choristes, et qui nous maintient dans l'esprit austral du continent noir. Celle-là, il me semble qu'Henri Salvador aurait très bien pu la faire!

Puis on remonte à l'époque où le musicien camerounais était à l'emploi de l'orchestre congolais dirigé  par Grand Kallé, un des pères de la musique africaine moderne: Indépendance Chacha est un classique du disparu.

Retour au rythme d'enfer avec Bolingo City, reggae-soul presque jazz-rock,  pièce  jouée frénétiquement pour employer un euphémisme... et que Sting aurait très pu reprendre dans ses bonnes années.

À la suite de Malaïka, passage en hommage à feu Myriam Makeba, l'orchestre de Manu Dibango déclenche Mangabolo, un autre extrait de l'album Manu Safari, et nous mène au pinacle de l'intensité. En prime,  démonstration absolue de compétence chez les percussionnistes.

Nous étions prêts pour le rappel : l'inévitable, incontournable et non moins inoxydable Soul Makossa. Pas parrain pour rien, Manu Dibango.