Comment trois likembe amplifiés ont fait vibrer la planète branchée...

On imagine, à tort, que la scène musicale congolaise se limite aux grandes stars de la rumba et du soukouss, comme Franco, Papa Wemba ou Koffi Olomide.

Mais l'ancien Zaïre, qui a célébré le 30 juin son demi-siècle d'indépendance, a beaucoup plus à offrir. On le découvre depuis quelques années avec le travail inlassable de l'étiquette belge Crammed Disc et de sa série Congotronics, qui nous a révélé les groupes Kasai Allstars, Staff Benda Bilili et surtout, le stupéfiant Konono No 1, qui se produit le 13 juillet au Festival d'été de Québec et le vendredi 16 aux Nuits d'Afrique.

On dit stupéfiant parce que ce groupe de transe, établi à Kinshasa mais originaire de la région du Bakongo (frontière avec l'Angola), est l'incarnation même du génie bidouilleur africain.

Imaginez: ses trois likembe (pianos à pouces composés de lamelles métalliques) sont équipés de micros de fortune, fabriqués à partir de vieux alternateurs de bagnoles. La sono est branchée dans une batterie de camion. Quant aux voix, elles sont filtrées à travers de vieux mégaphones datant de l'ère coloniale. Seules les percussions traditionnelles ont échappé à ces branchements mutants adaptés au vacarme urbain de la capitale congolaise, où les musiciens avaient émigré pour trouver du travail.

Traditionnelle à la base, la musique de Konono est ainsi devenue une drôle de bibitte amplifiée, dont les sonorités se rapprochent de la musique technoïde, du punk, du rock expérimental et de l'électro-acoustique. Pas étonnant que le groupe soit devenu la coqueluche de la planète «hip», qui a trouvé là un fascinant mélange de tribal et de moderne. Dans les dernières années, des artistes aussi flyés que Bjork, Cocorosie, le groupe The Ex et le jazzman Herbie Hancock ont tous collaboré avec la formation congolaise.

Pour Augustin Mawangu, leader de la formation, il est clair que ce «buzz branché» a eu du bon. Mais contrairement aux critiques, qui multiplient les parallèles avec la techno, il refuse de voir en Konono autre chose qu'un groupe traditionnel. «Parce qu'on électrifie notre musique, certains ont commencé à dire qu'on faisait du tradi-moderne. C'est une étiquette comme une autre mais nous, on ne fait pas la différence. On se considère 100% folklore. Notre musique est basée sur les rythmes kimbondo, typiques de notre région d'origine.»

Convoquer les esprits

Fondé par le papa d'Augustin, Mawangu Mingiedi, Konono No. 1 est loin d'être un jeune groupe, même si ses membres se renouvellent régulièrement, à même la famille Mawangu. La formation a fait ses premiers pas à la fin des années 60, puis a enregistré en 1978 quelques morceaux pour la compilation Zaïre: musiques urbaines de Kinshasa, qui avait été éditée par une maison de disques française.

Sous Mobutu (président du Zaïre de 1965 à 1997), ses affaires allaient plutôt bien. En plus de se produire dans des mariages et des funérailles (sa spécialité) Konono donnait des concerts organisés par le ministère de la Culture, à titre d'ambassadeur musical du Bakongo.

Puis ce furent les années de galère, marquées par des contrats de plus en plus rares. Une situation qui forcera le groupe à se disperser pour survivre. On raconte que le cofondateur de Crammed Discs, Vincent Kenis (qui a aussi produit Zap Mama et Taraf de Haïdouks), aurait mis près de 10 ans à retracer les musiciens, dont certains étaient partis chercher fortune en Angola.

Avec trois albums complets depuis 2004 (la plus récente, Assume Crash Position, date de 2010) Konono No 1 jouit pleinement de sa résurrection. Et si, à plus de 70 ans, le vieux Mingiedi a fini par prendre sa retraite, le groupe reste fidèle aux rythmes hypnotiques qui ont fait sa marque, avec comme seule mission celle d'envoûter, de faire danser et... de convoquer les esprits.

«Pour nous, tout est affaire de communication auditive, résume Augustin. Quand on joue très fort, on commence à sentir la présence des ancêtres. Et quand les ancêtres sont là, ce sont eux qui amènent la transe. Et nous, ce qu'on veut, c'est justement ça: que le public entre en transe. C'est même bon pour les malades, vous savez. Notre musique a déjà fait des guérisons miraculeuses...»

Konono No. 1 se produit le 16 juillet au National, à 20h30.