Nucléaire, hyper, mono, homo, hélico, co-parents... La parentalité, en 2012, est un territoire protéiforme où cohabitent et s'entrechoquent théories et philosophies sur la meilleure façon d'élever les citoyens de demain. Mais comment ils font les parents, à Stockholm, Ouagadougou ou Washington?

La journaliste Annie Desrochers s'est rendue dans plusieurs pays pour aller à la rencontre de ceux qui vivent et pensent la parentalité aujourd'hui, pour une série radiophonique qui touche aux thèmes de la transmission, les valeurs, les pressions sociales, l'égalité homme femme...

On peut dire cette mère de quatre, enceinte de son cinquième, donne dans «l'anthropologie participative.» Chroniqueuse «Enfants/famille» à l'émission Samedi et rien d'autre, celle qui réfléchit depuis neuf ans sur la parentalité et a cosigné en 2010 (avec Madeleine Allard) le livre Bien vivre l'allaitement, a connu son premier choc de la parentalité quand elle a donné naissance à son premier enfant.

«À notre arrivée à l'hôpital, on nous a dit «maman va s'asseoir ici, papa va chercher la valise. Cette infantilisation de la grossesse, de l'accouchement, m'a choquée. Je n'avais pas l'impression qu'on m'apportait des réponses, que l'on s'adressait à mon intelligence.»

Outillée d'une loupe sociologique et historique, Annie Desrochers s'est intéressée à l'impact des politiques familiales sur la vie des parents. En France, premier pays sur la planète à s'être doté d'une politique familiale, elle s'est attardée aux récriminations des pères déçus par les congés de paternité trop courts et de leur difficulté à prendre leur place dans la cellule familiale. N'en déplaise aux disciples de Bringing up Bébé, le modèle français est bien imparfait, avec ses maigres 10 jours de congé pour les nouveaux pères et ses réflexes patriarcaux. «On dirait que la France est 30 ans derrière le Québec», témoigne Annie Desrochers.

En Suède et en Norvège, elle a interviewé des porte-voix de ces fameux modèles scandinaves, où les généreux congés parentaux et les visions égalitaires homme-femme font baver d'envie l'Amérique du Nord. «J'ai rencontré une démographe suédoise qui m'expliquait qu'avant la Seconde Guerre mondiale, la contraception et le libre-choix étaient déjà bien ancrés dans cette société.»

Pas parfaits, mais pas pires...

On a mis quelqu'un au monde, qui occupe le créneau de la seconde heure de l'émission Médium Large, débute par une introspection québécoise de la parentalité. Trop «lousses», surprotecteurs, solitaires, individualistes, mais pas (trop) travaillants et pas batteurs d'enfants... En revanche, on se console, en visitant nos voisins de Winnipeg ou de Toronto, où les parents doivent débourser 40$ par jour pour la garderie.

Les parents d'ici sont passés au crible, notamment par les pédiatres Gilles Julien et Jean-François Chicoine, l'historienne Denyse Baillargeon et notre collègue de La Presse, l'éditorialiste François Cardinal. Annie Desrochers a aussi donné la parole aux principaux intéressés, qui témoignent des aléas et bonheurs de cette immense responsabilité.

«Ça manque de bras. Est-ce que c'est normal qu'on soit seuls comme ça?» s'interroge ainsi l'une des mères interviewées, qui regrette que l'adage «ça prend un village pour élever un enfant» ne soit pas appliqué chez nous.

L'équipe d'On a mis quelqu'un au monde s'est donc rendue au Burkina Faso, pour voir comment s'organisaient ces fameux «villages» où les enfants sont élevés par tout le monde.

Photo: AFP

En Suède, déjà un modèle en la matière, on va jusqu'à offrir des cours pour être un meilleur parent.

«L'organisation des villages, en Afrique, fait en sorte que les parents ne sont pas les seuls et uniques responsables des enfants. En ce sens, ils ne sont jamais seuls. Mais dans les villages ruraux, on fait face à de forts taux de mortalité infantile. Et les carcans ne vont pas dans le respect du droit des femmes, qui paient pour la polygamie.»

Il était évidemment impossible d'éviter un détour par les États-Unis, où les congés parentaux et les garderies sont des luxes coûteux. «Les États-Unis ont zéro politique familiale, si bien que la responsabilité d'élever les enfants repose sur les seules épaules des parents. L'hyper parentalité s'y déploie dans toute sa splendeur» rapporte Annie Desrochers.

Coïncidence ou conspiration? Le Vanity Fair de décembre publie ces jours-ci un dossier sur «l'échec de la parentalité.» Quelle riche matière à réflexion et débats, loin, loin de l'infantilisation des papas et des mamans.

___________________________________________________________________________

On a mis quelqu'un au monde, série sur les parents d'aujourd'hui, du 19 au 30 novembre de 10 à 11h, sur les ondes de la Première Chaîne de Radio-Canada.

Photo: fournie par Radio-Canada

Une famille interviewée dans la série de Radio-Canada.