Au milieu des années 2000, pendant qu'elle rappait sa France à elle et sa quête d'un «mec mortel», qui aurait prédit que, cinq ans plus tard, Diam's allait apparaître voilée de pied en cap, en entrevue sur la chaîne TF1? Qu'est-ce qui a donc motivé l'artiste du rap français qui vendait le plus d'albums à se métamorphoser en villageoise musulmane en tchador? Celle qui a repris sa «vraie» identité de Mélanie Georgiades s'explique dans son autobiographie intitulée Diam's Mélanie Georgiades, qui paraît ces jours-ci dans les librairies québécoises.

Son récit fait écho aux trajectoires de la vedette de la pop Janet Jackson et de l'auteure érotique Alina Reyes, deux autres femmes qui se sont récemment converties à l'islam.

«Elle devient un vrai danger pour les jeunes filles des quartiers populaires, parce qu'elle donne une image de la femme qui est une image négative pour moi», s'est indignée en 2010 Fadela Amara, ancienne présidente du mouvement Ni putes ni soumises, quand Diam's a commencé à s'afficher voilée.

En septembre dernier, lors de sa première sortie publique en trois ans, Mélanie Georgiades, qui affirme être «redevenue une femme normale», a vite rabroué ses détractrices. Allah, fait-elle comprendre, a guéri son coeur et l'a sauvée d'un destin tragique. «Si j'avais fini comme Amy Winehouse ou un autre de ces artistes délurés, aurait-on dit que j'étais un danger?»

Dans son autobiographie où elle évite soigneusement de parler de sa vie amoureuse, l'autoproclamée Boulette du rap français évoque son enfance chaotique à Chypre, sa jeunesse passée dans le monde du showbiz, sa découverte du rap. Elle relate son ascension au statut de vedette internationale marquée par ses visites dans les limbes de la folie, de même que sa plongée dans la dépression et son rapport trouble avec la «presse people» qui l'a photographiée voilée, à la sortie d'une mosquée. Elle a goûté aux «médocs» et aux «cachetons», a rasé les murs des hôpitaux psychiatriques, elle qui «emmerdait Marine LePen», dénonçait la démagogie de Sarkozy et était devenue très jeune l'emblème des «petites nanas de banlieue».

«Il est probable que dans le contexte actuel de la France, Diam's ne se soit jamais sentie citoyenne à part entière. J'ai le sentiment que cela a pu accentuer sa solitude, sa recherche d'un sentiment de communauté», observe l'anthropologue Homa Hoodfar, qui s'intéresse aux trajectoires féminines dans le monde musulman.

Enfant du désert

Mariée et nouvellement mère d'une petite fille, Mélanie Georgiades ne rappe plus. Amie de Jamel Debouze, personnalité préférée des enfants français, celle qui avait gagné des dizaines de trophées et l'admiration de millions de fans, dans les banlieues parisiennes comme au Cameroun et aussi au Québec, a renoncé à la gloire et a comme priorité sa vie de famille. «Certes, les médicaments me calmaient, mais peu s'en fallait pour que j'explose sous le regard de millions de téléspectateurs. Peu s'en fallait que je me mette à hurler dans le micro que je n'en pouvais plus, que je n'étais qu'une fille paumée, marchant sur un fil, au bord du suicide», écrit-elle dans son autobiographie qui dépeint tristement sa solitude et sa désillusion à l'endroit de ses modèles, «des carriéristes, des millionnaires».

«Vendre du rêve, de la pacotille, des fausses voitures, des faux ongles, des faux cheveux, des fausses filles, des faux mannequins, des fausses maisons, des faux couples, des fausses voix, des faux sourires... Du faux bonheur. Tout est souvent retouché, trafiqué, fabriqué. Et, malheureusement, nous avons engrené toute une génération, dont les rêves se sont réduits à être riches et célèbres - même brièvement.»

Le salut, Diam's l'a d'abord trouvé dans la beauté des paysages de l'île Maurice, qui est devenue son havre de ressourcement. Puis, la vedette des Victoires de la musique a été initiée à la prière, par une amie. Exposée aux préceptes de l'islam dès son adolescence, la jeune banlieusarde qui a grandi comme catholique, diagnostiquée bipolaire, a exécuté une volte-face pour le moins radicale.

Le zèle des convertis

«Les nouveaux convertis ont souvent le sentiment de devoir aller dans l'extrême. C'est ce que j'ai constaté, au fil de mes recherches sur les Canadiens récemment convertis à l'islam. Ils avaient tendance à vouloir suivre les règles du Coran à la lettre et ne pas remettre en cause le patriarcat», observe Homa Hoodfar, qui pense que c'est moins la conversion de Diam's qui choque le public que sa décision de porter le tchador. «Ces jeunes stars, dont faisait partie Amy Winehouse, sont des âmes esseulées. Il leur est très difficile de trouver une gratification personnelle et de vraies amitiés, au milieu de tous les médias et de tout le marketing», estime Homa Hoodfar.

Pendant ce temps, l'auteure de romans érotiques Alina Reyes relate sur son blogue les détails de sa récente conversion, en dénonçant ce qu'elle qualifie de «saison de la chasse» contre l'islam. Et Janet Jackson, quelques semaines avant son mariage avec un milliardaire qatari, s'est faite musulmane et a été photographiée portant le hijab.

Encore une fois, qui aurait prédit que l'auteure du Boucher et que la cadette des Jackson, dont le sein a fait scandale au Super Bowl, deviendraient un jour des disciples d'Allah? Comme le chantait Cat Stevens, avant de devenir Yusuf Islam, «Oh baby, it's a wild world».