«C'est mon film le plus intime», confie la cinéaste Hélène Choquette, à quelques jours des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), au cours desquelles son film Les poings de la fierté sera présenté au public québécois. Après avoir exploré des thèmes aussi graves que les réfugiés environnementaux (Les réfugiés de la planète bleue) et la traite des personnes au Canada (Avenue Zéro), la cinéaste est allée à la rencontre d'enfants boxeurs à la frontière de la Birmanie et la Thaïlande.

Il s'agit d'une incursion dans des gymnases de fortune peuplés de garçons qui se battent à poings nus pour divertir les masses et, surtout, mettre du pain sur la table de leur famille. Il s'agit aussi d'une réflexion sur ce qui se passe à l'extérieur du ring, dans le quotidien des migrants illégaux birmans à la frontière thaïlandaise.

Son héros, Petit Tigre, est un fils de travailleurs migrants illégaux qui s'entraîne comme un mini Rocky Balboa en vue du combat contre des adversaires thaïs, à l'occasion de l'annuel Festival de l'eau. Il y est question d'honneur, de boxe, d'yeux tuméfiés, mais aussi de la vie qui coule tranquillement dans une région du monde où rien n'est simple et la survie jamais acquise. Comme le raconte Hélène Choquette, qui en a filmé d'autres, le tournage des Poings de la fierté a été une aventure complexe et déroutante. Un tournage en 5D et en sept langues et dialectes.

La situation des enfants boxeurs est, de toute évidence, très délicate. Or, dans Les poings de la fierté, la vraie vie est moins sensationnelle et sanglante que ce qu'ont rapporté certains reportages. Pendant les mois qui ont précédé le tournage, la cinéaste a fait une longue traversée du désert avant de trouver un entraîneur prêt à ouvrir les portes de son gym à des caméras québécoises. Elle a fini par trouver des protagonistes intéressants et emblématiques de cette société, comme Petit Tigre et un policier converti en entraîneur qui, aussi corrompu soit-il, n'est quand même rémunéré qu'en cigarettes et en lames de rasoir.

«La corruption fait tellement partie de la vie, dans ces régions-là, que les gens n'ont plus de gêne. Oui, les entraîneurs font de l'argent, mais ils en donnent une partie aux familles des boxeurs. Personne ne roule sur l'or. Je pense que ce sont des gens qui sont dans une pauvreté récurrente, qui s'en sortent ensemble.»

Les poings de la fierté dépeint une réalité très masculine, avec ces petits batailleurs qui font du jogging ou encore partent en forêt pour chasser leur souper. «Les femmes, les mères qu'ont voit dans le film sont les gardiennes illégales des maisons. Ces gens vivent sur des lotissements qui appartiennent aux propriétaires de champs de maïs et de fèves. Ces migrants birmans vivent toujours avec l'idée que si la police arrive, ils doivent se cacher dans le bosquet. Ils sont tolérés par les propriétaires terriens qui les engagent comme ouvriers agricoles. Mais on leur dit de ne pas sortir de la terre, parce qu'ils sont illégaux.»

Les backstreet boys

Selon Hélène Choquette, qui célèbre cette année ses 10 ans dans le monde du documentaire, Les poings de la fierté doit surtout être vu et compris comme une porte d'entrée sur la réalité complexe des Birmans. Certes, l'élection d'Aung San Suu Kyi a été accueillie comme une ouverture à la démocratie. «Mais il faut savoir que c'est très embryonnaire. Les travailleurs temporaires et les gens dans les camps ne rêvent pas de reconquérir la Birmanie et d'en faire un beau pays démocratique», soutient Hélène Choquette.

Même si la situation est loin d'être idéale, pour ces jeunes boxeurs qui sont envoyés dans les rings comme des coqs pendant le Festival de l'eau, la vie n'est pas plus rose à l'extérieur du ring. Dans la ville frontalière de Mae Sot, 150 000 Birmans travaillent illégalement, dont plusieurs proviennent des camps de réfugiés.

Les enfants boxeurs birmans apprennent vite, de leurs entraîneurs thaïs, qu'ils n'ont pas la technique ou la finesse des boxeurs thaïs, mais qu'ils possèdent en revanche les qualités de bagarreurs de ruelle.

En conclusion, Hélène Choquette filme ces fameux combats entre enfants de 10 ans qui s'avèrent choquants pour les yeux occidentaux. Et elle nous rappelle que ces petits boxeurs sont des enfants, en les montrant dans toute leur joie lors du Festival de l'eau où, pendant trois jours, la frontière riveraine entre la Thaïlande et la Birmanie est abolie.

«Quand on est occidental, dans ces fêtes-là, on est dans la ligne de mire pour recevoir dans le visage une chaudière d'eau glacée.»

De petits boxeurs destinés à prendre des coups, oui. Mais entre les combats, il y a la vie qui continue et l'espoir de jours meilleurs.

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Les poings de la fierté, documentaire d'Hélène Choquette, sera présenté le 10 novembre, dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal.