Photographe depuis 12 ans, Jocelyn Michel s'est forgé une réputation avec des clichés de vedettes québécoises du cinéma, du théâtre et de la télévision. Il a rassemblé 40 de ses «courts métrages photographiques» dans Admissions, un coffee table book lancé aujourd'hui.

Jocelyn Michel aurait pu devenir ingénieur, mais le natif de Jonquière a délaissé McGill et le génie pour la photo. Depuis sept ans, il consacre une grande partie de son temps à photographier des vedettes québécoises dans des décors très cinématographiques.

Avec son Pentax, il a mis en scène 65 acteurs et actrices qui deviennent sous sa lentille des personnages plantés dans un décor fantastique: Fred Pellerin voguant sur une épave et communiquant avec une bernache. Élise Guilbault et James Hyndman reproduisant le drame du 11-Septembre dans un salon de coiffure. Lucie Laurier statufiée nue telle une oeuvre d'art dans une vitrine ou encore Guylaine Tremblay, Antoine L'Écuyer et Claude Legault en zombies ensanglantés...

«Déjà à Dawson, je racontais des histoires en conceptualisant des trucs hors normes, dit-il. Un de mes premiers corpus, c'était des animaux morts au bord des routes auxquels j'ajoutais des ustensiles de cuisine. C'était déjà très grinçant comme humour.»

Pendant quelques années, il a fait de la photo commerciale et éditoriale, travaillant pour des journaux tels qu'Ici ou Hour, pour lesquels il a photographié ses premières vedettes, notamment Claude Rajotte et Pierre Lalonde. Puis, le journaliste Mathieu Chantelois, alors rédacteur en chef du magazine de cinéma Famous Québec (devenu Le magazine Cinéplex), lui a confié la tâche de lui fournir des photos d'artistes sur commande.

«Au début, Mathieu était plus conquis par mon énergie et, disait-il, par mon charisme que par mon style! Il aimait ma façon amicale d'aborder les gens. Je travaille toujours pour lui!»

Pour réaliser ses mises en scène, Jocelyn Michel a eu recours à des maquilleuses (Marie-Claude Langevin et Laurie Deraps), à la styliste Sarah Laroche, à des coiffeurs et des accessoiristes, ce qui coûtait cher car il passait environ 50 heures en moyenne par photo. «C'était beaucoup de travail. Trouver les endroits et une bonne idée pour shooter était plus compliqué que de convaincre les stars», dit-il.

Il a commencé avec Anne-Marie Cadieux dans un bois enneigé, Marie-Chantal Perron qui «décolle» près d'un avion, puis Janine Sutto et Béatrice Picard en fripouilles dans une scène inspirée de Pulp Fiction

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«J'étais encore p'tit cul et je recevais ces gens-là! Mais ça a marché! J'ai commencé à rencontrer bien du monde, à travailler pour Châtelaine et L'actualité. D'autres photos sont venues et sont devenues ma carte de visite la plus importante.»

Lucie Laurier a hésité avant d'accepter que sa photo soit publiée. «J'avais déjà travaillé avec Jocelyn et je savais qu'il était très talentueux, dit-elle. J'ai aimé son idée de mettre en valeur les acteurs. Ça nous sortait des sessions de photo qui sont des plugs. Alors, j'ai fini par l'assumer. Le travail de Jocelyn mérite d'être valorisé.»

Emmanuel Bilodeau a aussi adoré l'expérience. «Ça s'est passé en plein centre-ville, dans une ruelle. Ce fut bref, efficace, intense, très bien préparé. Ce gars est en feu. Il mitraille avec précision, laisse de la place au jeu, incite à la folie créatrice, ne perd pas de temps, ne s'enfarge jamais dans les fleurs du tapis, bref un ravissement!»

Même impression chez Pierre-Luc Brillant: «Ce fut un plaisir de travailler avec lui. Il a adopté une démarche efficace par laquelle la mise en scène devient l'actrice principale de la scène elle-même. Le détail apporte alors très peu à l'ensemble. Dans cette optique, le sujet photographié n'a qu'à se laisser guider sans trop poser de questions...»

«Jocelyn est très talentueux, ajoute Anne-Marie Cadieux. J'ai travaillé à quelques reprises avec lui, toujours avec grand bonheur.»

Friand des films des frères Cohen, Jocelyn Michel finira-t-il par faire du cinéma? «Peut-être, mais j'aime bien mener ma barque à ma vitesse, dit-il. Ce que j'aime du cinéma, c'est diriger et orchestrer; l'ampleur de la machine m'inquiète...»

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Admissions. Jocelyn Michel. Éditions Cardinal.

Photo: Jocelyn Michel

Céline Bonnier et Guy A. Lepage