Big Bird, le volatile jaune de huit pieds qui a enseigné l'alphabet à des millions de petits fans du 1, rue Sésame, est devenu la coqueluche de la campagne présidentielle américaine.

Depuis que Mitt Romney a déclaré qu'il «aimait bien Big Bird» avant d'annoncer son intention de couper les vivres au réseau PBS, lors du débat du 3 octobre dernier, l'oiseau géant est aussi «Big» que le père Noël.

«J'ai l'impression d'être célèbre maintenant. Quand je marche dans la rue, on dirait que tout le monde me reconnaît», s'étonnait Big Bird, lors de son apparition de samedi dernier à l'émission Saturday Night Live. Interviewé par Seth Myers de la rubrique Weekend Update «sept heures après son heure de dodo», le gros oiseau a raconté comment il avait été mis au parfum de sa notoriété spontanée. «J'ai reçu des millions de tweets. Je suis un oiseau: c'est notre façon de communiquer!»

On rapporte que le nom de Big Bird a été twitté 17 000 fois la minute après la sortie de Romney.

Jusqu'au camp Obama qui a récupéré la sympathie populaire pour Big Bird dans sa nouvelle publicité, qui reprend les propos menaçants de Romney à l'endroit de l'avenir de Big Bird et de ses amis marionnettes. «Mitt Romney sait que l'objet de vos préoccupations n'est pas Wall Street, mais Sesame Street. Mitt Romney, celui qui combat vos ennemis peu importe où ils nichent», dit le narrateur de ce message.

«Big Bird a tout le potentiel pour devenir le cri de ralliement de la gauche. Il est un personnage emblématique pour beaucoup d'Américains. Si elle est bien utilisée par les démocrates, la gaffe de Romney pourrait devenir le truc qui aidera Obama. D'ailleurs, au cours des derniers jours, on a vu Big Bird se promener, pancarte à la main, dans des rallyes», observe Elizabeth Vallet, chercheuse à la chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM, qui compare le personnage à Anarchopanda, la mascotte du Printemps érable.

Dans le contexte où 83% des électeurs américains affirment que la priorité de la campagne devrait être l'emploi, l'idée de virer Big Bird (et les employés de PBS qui diffusent Sesame Street) en indigne plusieurs. «Les réseaux PBS et NPR sont sur le gril, depuis plusieurs années. Les deux sont financés par des subventions publiques. Lorsque Romney parle de couper les fonds, ce sont les antennes locales qui distribuent ces réseaux qui sont visées.»

PBS n'a toutefois pas vraiment apprécié cette récupération politique de Big Bird: Sesame Workshop (la boîte qui produit Sesame Street), a exigé que la pub satirique soit retirée des ondes. En revanche, le réseau public avait déjà exprimé sa déception à l'endroit de Romney dans un communiqué, au lendemain du débat du 3 octobre.

«L'investissement fédéral dans la télé publique équivaut à environ 0,001% du budget fédéral. L'élimination de ce financement n'aurait virtuellement aucun impact sur la dette nationale», a-t-on exprimé.

Aperçu dans des rallyes partisans et propulsé dans la twittosphère et sur YouTube par une foule d'avatars à plumes jaunes, le gentil oiseau de Sesame Street a perdu sa candeur. Le populaire site humoristique Funny or Die a produit un clip très vulgaire dans lequel Big Bird abuse du «mot en F» pour expliquer à Elmo que Romney est un méchant.

On sait pour qui Elmo, Burt, Ernie et Cookie Monster ne vont pas voter à la prochaine élection américaine.

Kermit le communiste

Big Bird n'est pas le premier personnage de Jim Henson à se mêler de politique. En décembre 2011, les Muppets ont été accusés par un analyste économique du réseau Fox Business de véhiculer de dangereux messages communistes aux enfants. La raison d'une telle attaque? Dans leur dernier film, Kermit, Miss Piggy, Fozzie Bear et les autres s'en prenaient à de vilains personnages en cravates qui voulaient raser le studio du Muppet Show pour extraire du pétrole. En guise de réplique, Kermit et Miss Piggy ont tenu une conférence de presse quelques semaines plus tard, pour rétablir les faits. «S'ils prennent ce que je dis au sérieux, ils ont un gros problème!», a lancé l'émotive Miss Piggy.