Arrivé dans l'underground montréalais vers la fin des années 90, le néo-burlesque est désormais bien implanté, dans la ville où a triomphé Lili St-Cyr à la belle époque du théâtre Gayety. Ce week-end, le Club Soda accueille le quatrième festival Montréal burlesque, où sont attendues des stars du strip-tease à l'ancienne. La saison du burlesque est ouverte, et il y en a pour tous les goûts, les styles et les pointures.

«J'ai l'impression qu'après chaque crise économique, il y a un désir de bonne chair et de plaisir. Le monde a envie de s'amuser», dit Chantal Sigouin, alias Lady Scandalist, de la troupe Sublimes Rondeurs.

En effet, la scène néo-burlesque ne semble pas touchée par l'austérité. En même temps que New York tient son annuel Festival burlesque, l'artiste Scarlett James propose aux adeptes montréalais une programmation diversifiée et internationale. Pendant trois jours, le Club Soda fera revivre l'esprit du Red Light, avec des strip-teases inspirés des années 40 et 50, des numéros de variétés, des performances de musiciens...

Coquin, sexy, érotique, rétro, vintage, suranné... Les artistes du néo-burlesque s'abreuvent d'un riche lexique pour formuler leur démarche artistique. C'est que non, un strip-tease avec des cache-seins, des jarretelles en dentelle vieux rose et un sourire en coin, ce n'est pas du tout une danse contact dans un isoloir...

C'est lors d'un voyage à Las Vegas, en 2008, que la sulfureuse et multidisciplinaire Scarlett James est tombée sous le charme du néo-burlesque. Pour la jeune femme qui gagnait alors sa vie comme technicienne laser dans un bureau de médecin, le burlesque était la forme d'expression la plus complète. Son ambition: rendre plus «grand public» cette forme d'art née dans l'underground.

«J'ai réussi à acquérir une clientèle très corpo. De sorte que parmi le public du festival, on retrouve beaucoup de monsieur et madame Tout-le-Monde de plus de 25 ans, jeunes professionnels. Et c'est 50% d'hommes, 50% de femmes», indique Miss James, qui pense que le succès grand public du film Burlesque (avec Christina Aiguilera) a contribué à l'engouement pour le néo-burlesque.

L'âge d'or du néo-burlesque

Costumes recherchés, chorégraphies, un trait d'humour, deux ou trois références au fétichisme et des énoncés politiques (voire féministes): la scène est un heureux exutoire pour ces artistes de la nuit qui, la plupart, ont aussi des «jobs de jour».

«En huit ans, j'ai déshabillé le tiers de la population féminine au Québec», s'amuse Mademoiselle Oui Oui Encore qui, en plus de son oeuvre scénique au sein de la troupe Blue Light Burlesque, se fait engager tous les week-ends pour donner des ateliers d'effeuillage dans des enterrements de vie de jeune fille.

La voluptueuse brunette, émule de Betty Page, est aussi photographe, conceptrice de sites internet, assistante d'artiste, enseignante et productrice de fêtes privées.

Pionnière de la scène swing et néo-burlesque montréalaise, Mademoiselle Oui Oui Encore brille toutefois par son absence au Festival du week-end prochain. «Ça ne me dérange pas trop, je fais mes affaires. Mais sans vouloir créer une chicane de clochers, je trouve ça un peu étrange de prendre un terme aussi global que Festival de burlesque Montréal, sans inclure tout le monde.»

En octobre prochain, Oui Oui Encore retrouvera ses bustier, plumes et talons hauts sur la scène du Café Campus pour une série de spectacles mensuels. Elle confie qu'à ses débuts, les gens ne comprenaient pas trop ce qu'elle faisait. «En 2002, je suis tombée par hasard sur le show de Fluff Girl, une troupe de Vancouver qui se produisait au Petit Campus. Ç'a été pour moi une révélation. Mais lors de mes premières entrevues, en 2004, personne ne savait de quoi je parlais. Ici, on associe le terme burlesque à Ti-Gus et Ti-Mousse, Gilles Latulippe, La Poune.»

Depuis les premiers shows de Blue Light Burlesque à La Tulipe, le genre a explosé. Le café Cléopâtre, pilier du Red Light, prête tous les mois sa scène aux Dead Dolls Dancers, troupe néo-burlesque engagée dans une démarche nettement plus trash.

Les Sublimes Rondeurs, ensemble créé «dans le but de favoriser une acceptation de tous les formats corporels», y reprendra aussi la scène en octobre et décembre. «À chaque représentation au café Cléo, on a rempli la salle. Notre public est composé de gens ouverts d'esprit, qui aiment les rondeurs», souligne Chantal Sigouin, alias Lady Scandalist. Les Sublimes Rondeurs, dit-elle, s'inspire de l'esthétique des années 50 pour la mise en scène de leurs strip-teases ponctués d'humour.

C'est Lili St-Cyr qui doit sourire coquinement dans sa tombe.

Photo: Andrea Hausmann