Du 45 tours au walkman ou de la compilation CD au baladeur numérique; elles ont survécu. Nous avons voulu savoir ce qui a inspiré huit créateurs de chansons d'été marquantes pour comprendre ce qui fait qu'elles renaissent immanquablement avec l'arrivée du temps chaud.

En écoutant Harmonie du soir à Châteauguay, on s'imagine tout de suite les pieds dans l'eau ou sur une chaise berçante au chalet. Si on la chante parfois avec un sourire en coin en accentuant l'accent grave du nom de la ville, elle évoque chez la plupart d'entre nous des souvenirs d'été impérissables. Écrite par Robert Léger, elle se trouve sur le premier album de Beau Dommage qui est paru en 1974.

Q: Est-ce que ce sont des scènes de votre vie que vous décrivez dans la chanson?

R: C'est une mosaïque de souvenirs d'été. La principale source, ce sont mes souvenirs jusqu'à l'âge de 20 ans à Saint-Gabriel-de-Brandon. Il y avait une plage sur le bord du lac, on allait à la pêche, on veillait tard sur la plage à regarder les étoiles. Mais c'est mêlé avec des souvenirs d'un autre endroit. À 10 ans, mon père m'emmenait à la pêche sur la rivière Châteauguay. Les samedis et dimanches après-midi de printemps, on pêchait la carpe. On lançait la ligne et on se couchait dans l'herbe en attendant...

Q: Comment ont réagi les autres membres du groupe lorsque vous avez proposé de chanter la ville de Châteauguay?

R: Ça a été accueilli favorablement. Il y a un moment, quand Beau Dommage n'existait même pas en 1972, Michel Rivard, que je ne connaissais pas, est venu chez moi au 6760 St-Vallier, comme dans Tous les palmiers. On s'est chanté des chansons. Lui, 23 décembre et moi, Harmonie du soir à Châteauguay. On s'est dit qu'elles se ressemblaient par l'inspiration, le langage simple, québécois et réaliste. On sentait qu'on pouvait faire des chansons ensemble.

Q: Est-ce que vous aviez en tête d'écrire une chanson d'été?

R: Non, c'était absolument involontaire. La première version, que j'ai laissé tomber parce que ça ne fonctionnait pas, parlait de problèmes de circulation dans la ville de Laval, avec la même musique. Puis, j'ai trouvé une autre inspiration: les pieds pendants au bout du quai et la rime avec Châteauguay. On n'était pas assez fin renard pour avoir des plans de chansons d'été. Notre seule volonté était de faire des chansons réalistes. Notre motivation était artistique, pas de jouer à la radio.

Q: Et, la musique, on a l'impression qu'elle a été composée pour accompagner le mouvement de nos pieds qui se balancent sur le bord du quai?

R: La musique est venue avant. Ma philosophie c'est que la musique dicte toujours les paroles. La musique contient l'âme de la chanson. Si tu n'as pas une bonne musique, tu n'as pas de chanson.

Q: Comment avez-vous encaissé les moqueries au sujet de la chanson?

R: Ça me faisait de la peine parce que je l'aime beaucoup. Elle me ressemble. J'ai déjà lu des critiques qui disaient que la chanson était niaiseuse, bébé, stupide. J'étais blessé parce qu'elle est intentionnellement naïve, mais pas stupide pour autant. Un peu comme un peintre naïf, il sait ce qu'il fait. Une chanson, faut pas que ce soit trop compliqué. Oui, elle peut être intellectuelle, c'est bien, c'est précieux. Mais il faut aussi des chansons simples que les gens peuvent chanter facilement.

Dimanche au soir à Châteauguay

Paroles et musique: Robert Léger

Les pieds pendant au bout du quai

La rivière joue d'l'harmonica

Ma blonde se baigne les pieds dans l'eau

C'est plein d'oiseaux qui courent le long de l'eau

En chantant leurs chansons d'oiseaux

C'est plein d'oiseaux qui courent le long de l'eau

Les enfants r'viennent en chaloupe

Y'ont pêché trois crapets soleil

Les mouches à feux font des folies

Les ouaouarons sont pas plus fins

Plus tard on ira sur le sable s'étendre

Pour compter les étoiles filantes

Plus tard on ira sur le sable s'étendre