Dans Rock'n roll, un portrait de Led Zeppelin, François Bon revient sur l'itinéraire et la substantifique moelle de l'un des plus grand groupes de rock du XXe siècle. Son portrait, richement nourri de l'abondante littérature consacrée à «Led Zep» n'a pourtant rien de la biographie traditionnelle, clinique et froide.

«Moi, je reste dans mon rôle: je ne suis pas musicologue, je ne suis pas journaliste, par contre, pour la littérature, il y a du tragique, du symbolique chez Led Zeppelin. On a créé mouvements de masse autour de quatre ou cinq jeunes. Mais sans cet excès, ils ne trouveraient pas cette dimension d'oeuvre», croit François Bon.

 

De 1968 à 1980, en à peine plus de 10 ans, Led Zeppelin a révolutionné les canons de la musique pop, donnant naissance à un mythe toujours intact aujourd'hui. «Trente ans après, il y a vraiment à écouter. C'est un vrai boulot musical, et un boulot de technicien, qui m'impressionne absolument», poursuit-il.

Ce n'est pas la première fois que la rencontre du mythe et de la culture de masse inspire François Bon. Le Français, auteur de Daewoo et de Sortie d'usine a également publié une biographie des Rolling Stones (parue en 2002) et une biographie de l'insaisissable Bob Dylan (en 2007).

On serait tenté de croire que Led Zeppelin ferme une trilogie, entamée au tout début des années 60, pour s'achever en 1980. François Bon affirme pourtant: «Je ne m'arrête pas. Dans le monde anglo-saxon, ils ont fait cette histoire. En France, on commence à peine.»

Que raconter alors? «Ce qui n'a pas été dit, répond-il. Les mois passés sous silence dans les biographies. Je me pose la question: qu'est-ce que j'aurais envie de savoir sur ces types? Souvent, ça concerne l'invention. Par exemple, Bob Dylan, mai 62, c'est 10 lignes dans ses biographies. Or, qu'est-ce qui se passe pour un type de 21 ans, tout seul, à New York, sans une thune, pendant ce temps?»

Rock'n roll, un portrait de Led Zeppelin entre donc tout de suite dans le vif du sujet, avec le concert à Earl's Court, à Londres, le 24 mai 1975. «Ce concert, de 75, est le premier où on utilise des écrans géants, précise-t-il. Led Zep, c'est très court, c'est 10 ans. C'est une boule, qu'il fallait déplier. Moi, je commence par le centre.»

Comme dans la biographie consacrée aux Stones, le batteur devient le personnage central. La figure tragique de John Bonham, mort en 1980 étouffé dans son vomi, ouvre et ferme le récit. «Il dispose de cette magie du rythme, en même temps c'est un type vulgaire, violent. Et comme il est mort, la masse d'éléments que l'on a sur lui est extrêmement précise», explique François Bon.

Ce destin abruptement arrêté n'est pas sans rappeler celui d'une icône d'un autre siècle, Arthur Rimbaud. Dans Rock'n roll, François Bon affirme «c'est Arthur Rimbaud qui invente le rock en littérature»: «Rimbaud, Led Zep, cette figure de l'arrêt, comme ça, c'est intéressant» dit-il.

Chez Led Zeppelin, croit François Bon, «tout est cadré, là où on imagine une espèce d'ivresse, c'est hyper construit. En même temps, ils n'ont jamais joué deux fois de suite la même chose. Ils acceptent aussi le passage à l'excès, mais ça se prépare.»

L'auteur aussi s'accorde ses moments d'improvisation. Comme cette scène inaugurale, à Earl's Court, donc, que Bon a écrite de façon synchrone avec les trois premières minutes du concert de Led Zeppelin: «Je n'ai jamais fait de bouquin sans qu'il y ait des endroits improvisés. Sur le fond, j'ai toujours l'impression que la littérature ne peut se prouver qu'à ce qui est étranger.»

François Bon est l'invité du Salon du livre de Montréal. Il est l'invité d'une table ronde aujourd'hui à 17 h: Livre électronique et édition numérique: entrevoir l'avenir. Lundi, au café Laïka, il participera dès 17h à un débat sur le thème: Le livre électronique est-il encore un livre?

 

Des Stones à Led Zeppelin

Auteur de pièces de théâtre, de récits et de romans, François Bon fait paraître en 2002 une biographie des Rolling Stones, suivie d'une biographie sur Bob Dylan.

À travers ces icônes du rock, il met en relation l'émergence des mythes avec la culture de masse et les technologies. «Il n'y aurait pas eu les Rolling Stones et les Beatles si ça n'avait pas coïncidé avec l'arrivée de la télé et du cinéma», dit-il.

Chez les Rolling Stones, comme chez Dylan ou Led Zeppelin, «il y a un apprentissage du monde, une leçon à recevoir pour nous. Ils sont capables de parler de la chose artistique, d'une mutation violente de société», estime-t-il.

François Bon a fondé le site tiers livre et a une maison d'édition numérique: publie.net, qui édite des classiques (Baudelaire, Proust) mais aussi des auteurs contemporains (parmi eux, un jeune auteur québécois, Mahigan Lepage).