« Découvrabilité ». Le mot est sur toutes les lèvres dans le secteur culturel québécois. À l'heure d'iTunes, de Netflix, de Spotify et d'Amazon, comment mettre en valeur - ou parfois même seulement trouver - le livre, le film, la musique ou la série télé d'ici?

« Tout l'environnement de l'offre et de la demande culturelles est complètement transformé », explique Monique Simard, présidente de la SODEC, qui participera à une table ronde sur la découvrabilité au Salon du livre. « Avant, on avait un système plutôt linéaire, de la production à la diffusion. Maintenant, il y a vraiment beaucoup de canaux de diffusion, il est difficile d'identifier comment rejoindre le citoyen, que la plupart appellent maintenant "le consommateur". Toute la configuration des rapports entre créateurs, diffuseurs et consommateurs a changé. »

Le livre est un peu protégé parce que le numérique n'a pas fait place nette, comme pour la musique et les DVD. « Il y a moins de dématérialisation, on a encore souvent un livre dans les mains et on va l'acheter à la librairie plutôt que sur internet, dit Mme Simard. Nous avons aussi au Québec un soutien fort pour les éditeurs et les libraires. Il y a autant de libraires et d'éditeurs indépendants que dans tout le reste du Canada. »

Néanmoins, la promotion du livre a changé. « Auparavant, on lisait sur un livre dans un article de journal, dit Mme Simard. Aujourd'hui, on va en entendre parler par Twitter ou un autre réseau social. »

Rendre accessible, rendre disponible

Au coeur du problème se trouve le formatage des données. « Les éditeurs américains ont compris qu'il faut sortir leurs bases de données pour qu'elles soient accessibles sur internet, explique Josée Plamondon, une analyste d'affaires web qui participera aussi à la table ronde. Comme ça, quand on achète un livre québécois sur Amazon, on se fait peut-être proposer d'autres livres québécois. Au Québec, on a encore beaucoup de silos, de bases de données internes. »

L'autre enjeu est l'identification territoriale : un film québécois va parfois être noyé dans la catégorie « Canada ». « Pour le moment, on a un modèle "winner takes all" avec une grande uniformisation », dit Jean Robert Bisaillon, fondateur d'Iconoclaste Music, une agence de marketing en ligne. 

« Éventuellement, il y aura des fournisseurs de produits de niche. Il faut stimuler cette apparition, mais surtout être prêt avec des produits offerts sur internet. »

La disponibilité est l'autre pierre d'achoppement. La difficile mise sur DVD de la série Passe-Partout, ou des séries pour enfants de Radio-Canada, montre que parfois, il n'est pas rentable, à cause de tous les droits à payer aux artistes et artisans, d'offrir sur internet des pans entiers de la culture québécoise, érigés à coups de subventions. 

En musique, même constat : les premiers disques de Diane Dufresne, par exemple, sont introuvables sur iTunes ou Spotify. Et que dire des nombreux livres québécois introuvables même en format numérique.

Josée Plamondon note qu'en Europe, certains gouvernements envisagent de modifier les subventions à la production culturelle afin de pouvoir mettre aux enchères les droits numériques s'ils ne sont pas utilisés après un certain temps. Monique Simard, elle, hésite à modifier le « contrat privé » que représentent les droits d'auteur et propose que le problème pourrait être contourné en offrant en version numérique dans les bibliothèques les oeuvres québécoises aujourd'hui introuvables.

La table ronde sur la découvrabilité aura lieu le vendredi 18 novembre, à 15 h 30, à la Grande Place.